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Mes goûts et mes couleurs: Rahul Mishra, un voyage au cœur de l'artisanat indien

Rahul Mishra, qui a défilé pour la première fois sur les podiums parisiens fin 2014, est un fervent partisan du patrimoine artisanal. Le créateur indien met en avant son héritage culturel au travers de broderies traditionnelles. Prônant la slow attitude, ces collections sont le fruit d'un travail local auquel il tient plus que tout.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le créateur indien Rahul Mishra
 (Dinesh Madhavan)
Quelle est la pièce préférée de votre dernière collection ?
"Ce look est l’essence de ma collection automne-hiver 2017-18. Il s’inspire des grands mouvements de peinture de 19e siècle tels que le pointillisme, l'expressionnisme et le surréalisme. C'est un hommage aux artistes majeurs que sont Van Gogh et Paul Signac…".
Rahul Mishra automne-hiver 2017-18, à Paris, mars 2017..
 (Rahul Mishra )
Quel couturier vous a marqué au cours de votre carrière ?
"Plusieurs stylistes m'ont inspiré ; Issey Miyake pour la simplicité et la conceptualité qu'il a mise en avant dans ses collections. De la même façon, quand je regarde le travail du grand Yves Saint Laurent, je pense que c'est tout simplement incroyable ! Ses vêtements étaient si parfaitement équilibrés et dans le même temps si modernes. J'aime beaucoup Haider Ackermann, son jeu des couleurs, le mystère de sa construction et la fluidité de ses silhouettes. Son travail est très inspirant".
Le créateur Issey Miyake
 (Brigitte Lacombe)
Quel est le dernier livre lu ?
"Pour être honnête, je ne lis pas beaucoup mais je regarde des documentaires et des films comme la série Cosmos sur Netflix. Quand je regarde à quel point notre univers est vaste… je constate comment est petite notre galaxie parmi les milliards de galaxies. Notre Terre ou notre système solaire ne représente probablement pas même un dixième de la taille d'un atome par rapport à l'univers entier. Cela me fait penser à la façon dont nous sommes petits par rapport à nos egos gigantesques. A mi-parcours de la série, j'ai réalisé que notre seul objectif devrait être de rendre chaque jour mémorable. Profiter de tous les jours, partager l'amour et le bonheur, c'est ce qui compte le plus. Nous nous donnons trop d'importance pour tout, l'échec et le succès ne sont que des phases de transition que nous traversons tous et nous sommes tous très petits dans ce vaste programme".
Quelle est la dernière exposition vue ?
"Dès mon dernier défilé terminé, je suis allé au centre Georges Pompidou. C'était la Nuit Blanche à Paris. De l'art moderne aux classiques, aux impressionnistes - leur travail était tellement inspirant ! Je regardais à travers différentes époques, comment deux artistes ont conçu des idéologies similaires. Par exemple le cubisme, Picasso et ses contemporains, les résultats ont été vraiment étonnants. Cela m'a rappelé la façon dont nous travaillons dans la mode. Nous pourrions travailler avec une création au volume identique ou une silhouette semblable et pourtant les réalisations sont si diverses. Le cerveau humain a des possibilités sans fin. Je suis sûr que certaines des oeuvres vues à cette exposition vont être sur le moodboard d'une de mes futures collections."

Quel est le dernier coup cœur musical ?
"Bien qu'il soit un favori de tous les temps, dernièrement, j'ai beaucoup écouté "What a Wonderful World" de Louis Armstrong. C'est une vieille chanson que j'ai entendu beaucoup de fois. Mais quand je concevais la collection printemps-été 2017, je l'ai écouté au moins cent fois ! La belle poésie et le message très simple mais puissant est plus pertinent aujourd'hui que jamais. Il parle de la façon dont l'amour est la seule solution pour ce monde terrible et stressant, que nous devons respecter la nature et les animaux et nous respecter comme des êtres et nous aimer les uns les autres. Louis Armstrong, ses paroles et ses douces mélodies ont été l'une des influences les plus fortes pour moi au cours des derniers mois".

Infinity explore l'art contemporain

C'est une promenade à travers la galerie d'Art Moderne du Centre Pompidou pendant la Nuit Blanche 2016 qui a inspiré le créateur. Cette collection d'art européen du 19 et 20e siècles a laissé Rahul Mishra hypnotisé et hébété.

La colIection intitulée Infinity explore l'impressionnisme, l'expressionnisme abstrait, le surréalisme et le pointillisme.

Rahul Mishra automne-hiver 2017-18, à Paris, mars 2017..
 (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

On retrouve sur les silhouettes les petits points juxtaposés de couleurs, caractéristique déterminante du pointillisme, sur les motifs arbres, fleurs et cerises ainsi que des interprétations des "Pins à Saint-Tropez" de Paul Signac et des "Tournesols" de Van Gogh.

Rahul Mishra automne-hiver 2017-18, à Paris, mars 2017..
 (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

La collection est "un effort collectif de près de sept cents artisans traditionnels" au travers de techniques minutieusement conçues avec des couches multi-dimensionnelles de broderies à la main. 

Rahul Mishra automne-hiver 2017-18, à Paris, mars 2017
 (WWD/Shutterstock/SIPA)

Préserver les techniques traditionnelles

Le créateur indien, diplômé du cycle de spécialisation en Fashion Design à l'Istituto Marangoni de Milano en 2007, a remporté le prix international Woolmark 2014. Son projet a été choisi pour son utilisation des techniques artisanales et sa compétence en couture et en broderie. Farouche partisan de l'intégration de la richesse du patrimoine artisanal indien, il fait travailler des couturières et brodeuses à travers tout le pays. Le Victoria and Albert Museum à Londres a même acquis certaines de ses réalisations faites mains.
Le travail dans les ateliers de Rahul Mishra lors de la préparation de la collection printemps-été 2017
"Avec le riche patrimoine artisanal de l'Inde, il est important de préserver les techniques traditionnelles, qui ne peuvent être reproduites par aucune machine et qui sont uniques aux mains humaines. Je crois en la migration inverse, nous encourageons les artisans à rester dans leurs villes et villages. Ils restent avec leur famille et s'occupent de leurs parents et de leurs enfants. En gagnant un salaire juste, ils n'ont pas besoin de se déplacer dans les grandes villes comme Delhi ou Mumbai pour vivre et travailler" explique le créateur.
Dans les ateliers de Rahul Mishra lors de la préparation de la collection printemps-été 2017
"Si les villages sont plus forts, vous aurez un pays plus fort, une nation plus forte et un monde plus fort. Toute la philosophie tourne autour de cela" rajoute-t'il. Ainsi dans une de ces collections intitulée "Le village", la garde-robe était agrémentée de riches broderies traditionnelles dont les motifs s'inspiraient du village dans lequel le créateur a grandi. Elles racontaient et capturaient l'existence de ce lieu où subsiste un équilibre entre l'homme et la nature, un écosystème dans lequel l'humain est encore préservé.
Le créateur indien Rahul Mishra dans son atelier lors de la préparation de la collection printemps-été 2017

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