L'exposition "Azzedine Alaïa, Arthur Elgort. En liberté" : un face à face singulier entre le couturier et le photographe
Le couturier Azzedine Alaïa et le photographe Arthur Elgort ont façonné la liberté des années 1980, l'un au travers de sa mode, l'autre de sa photographie.
A la Fondation Azzedine Alaïa, l’exposition Azzedine Alaïa, Arthur Elgort. En liberté - lancée lors de la semaine de la haute couture parisienne printemps-été 2023 - met en regard des photographies intemporelles et des clichés plus confidentiels, en noir et blanc, d'Arthur Elgort face aux robes les plus iconiques d’Azzedine Alaïa portées sur ces photos. .
Arthur Elgort veut devenir peintre, Azzedine Alaïa, sculpteur
Arthur Elgort, né à New York, aspire à devenir peintre et s’inscrit au collège Hunter de sa ville. Azzedine Alaïa, né à Tunis, mise tout sur la sculpture dont il apprend les techniques à l’école des Beaux-Arts de Tunis. Le premier ne se réalise pas dans la discipline adoptée, tandis que le second se refuse à devenir un sculpteur secondaire.
Nous sommes au milieu des années 1950. Alors que ses travaux de couture lui permettent de financer ses études, les vêtements qu’Azzedine Alaïa confectionne font de lui un couturier en herbe, qui rêve de Paris. Une histoire analogue caractérise les débuts d'Arthur Elgort : dans les années 1960, chez un vendeur d’appareil photos, il achète son premier Polaroïd et en découvre tous les usages. Le futur, il en est sûr s’écrira à travers l’objectif, la chambre noire et le papier argentique. Il est photographe.
Des apprentissages différents
Alors qu'Azzedine Alaia s’apprête à travailler pour des maisons de couture, le destin le conduit à devenir couturier en chambre : chez Simone Zehrfuss, Louise de Vilmorin, la Comtesse de Blégiers, Arletty. Pour elles, il réalise sur commande des vêtements sur mesure. Auprès d'elles, il apprend l’académie des corps et perfectionne sa technique jusqu’à ce que Thierry Mugler à la fin des années 70 ne le persuade de devenir, lui-même, créateur.
Arthur Elgort, lui, troque son Polaroïd contre un Nikon et développe une passion pour tous les types d’appareils, récents et anciens dont il apprécie les techniques, les singularités et les rendus différents. Le directeur des publications de Vogue, Alexander Liberman, aperçoit ses clichés et l’introduit auprès des rédactrices de son magazine. Arthur Elgort travaillera avec Polly Allen Mellen et Grace Coddington. En une année il est célèbre.
Leurs chemins se croisent à Paris
En pleine ascension, les deux créateurs se rencontrent. Ils vont partager des séries pour les magazines : ils se reconnaissent, par exemple, dans l’absence de décors qui, superflus, viendraient perturber la vision photographique de l’un, les vêtements de l’autre.
Lors de la visite de l'exposition, si cette absence de décor ne frappe pas au premier abord, en regardant les photos, avec plus d'attention, on constate qu'elle permet, au contraire, de mettre encore plus en avant le côté instantané des pauses des mannequins. Une spontanéité qui semble désacraliser les vêtements pour mieux les mettre à la portée de tous. Azzedine Alaïa se reconnaît dans la nouveauté de ses images et leur rigueur.
Les commissaires d'exposition Carla Sozzani et Olivier Saillard ont choisi de mettre en face à face le vêtement porté sur la photographie qui permet de le redécouvrir et d'en apprécier la coupe épurée et, parfois même, de découvrir sa couleur d'origine.
Enfin, quel plaisir de revoir, ici, les modèles et mannequins de l'époque comme Naomi Campbell, Christy Turlington, Cindy Crawford, Linda Evangelista, Stephanie Seymour. .
L’Association fait perdurer l'oeuvre d'Azzedine Alaïa
C’est au 18, rue de la Verrerie, lieu de l'exposition, que cette figure atypique de la mode a travaillé et vécu. C'est dans ce lieu que le couturier présentait ses défilés selon son propre calendrier, à l’écart de la frénésie des Fashion Weeks et sans mise en scène spectaculaire.
Ce fils d'agriculteurs, né en Tunisie, a travaillé chez une couturière de quartier pour financer ses études aux Beaux-Arts avant de tenter sa chance à Paris à la fin des années 1950. Il s'est fait connaître dans les années 1980 en inventant le body, le caleçon noir moulant, la jupe zippée dans le dos... des modèles qui ont contribué à définir la silhouette féminine sexy et conquérante d'alors.
En 2007, il décide de protéger son œuvre et sa collection d’art en fondant l’Association Azzedine Alaïa, conjointement avec son partenaire de vie le peintre Christoph von Weyhe et son amie l’éditrice Carla Sozzani afin que cette Association devienne la Fondation Azzedine Alaïa. Elle abrite les trésors de la maison et de son créateur décédé en novembre 2017 à 82 ans et expose son travail et les œuvres d’art de sa collection personnelle, à Paris, et à Sidi Bou Saïd, la ville qu’il a tant aimée. Ce collectionneur d'œuvres issues de l'art, de la mode, du design, du mobilier et de la photographie, aimait aussi lire des ouvrages consacrés à ces univers et aux artistes qui l'inspiraient. En mémoire de cette passion, son Association a ouvert fin 2018 une librairie dans la cour intérieure de la maison où il vivait et travaillait.
Exposition Azzedine Alaïa, Arthur Elgort. En liberté, jusqu'au 20 aout 2023. Fondation Azzedine Alaïa. 18, rue de Verrerie. 75004 Paris. Ouvert tous les jours de 11h à 19h.
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