: Interview Cécile Dallancon, créatrice de XY, la griffe unisexe, éco-responsable et made in Paris
J’avais rencontré la créatrice Française Cécile Dallancon en 2014 à Paris quand elle présentait son vestiaire estival 2015. A l’époque, la marque portait le nom de XY XX Made in memory. Le logo XY XX reprenait les chromosomes hommes et femmes mais évoquait aussi la mémoire du vêtement. Le concept : l'uniformisation avec des pièces unisexes et d’autres mixtes réalisés avec des patronages adaptés à chaque morphologie. La griffe streetwear était alors réalisée avec Kyuho Lee. Puis le duo s'est séparé, la griffe a disparu pour renaître aujourd’hui sous le logo XY unisexe.
Qu’avez-vous fait depuis 2014 ?
Pendant trois ans, j’ai travaillé au sein de bureaux d’études. J’y ai beaucoup appris. J’ai acquis de la technicité mais aussi une autre vision de la mode et de la manière de développer un produit du début jusqu’à la fin. En juin 2017, j’ai dessiné puis prototypé ma collection. J’ai toujours eu envie de créer ma marque, mon entreprise. L’entreprenariat est un challenge mais aussi une histoire familiale.
Pourquoi une marque unisexe ?
Je revendique le "no gender". L’unisexe, c’est tendance aujourd’hui. Certes la taille unique est une prise de risque mais elle est adaptable en mixant les pièces du vestiaire masculin et féminin. Pour mettre en valeur cette dualité homme-femme, j'utilise deux "non couleurs" : le noir et le blanc. Une dichotomie qui permet de structurer le volume et la coupe. Mes vêtements se portent avec tout et se mixent facilement avec de la couleur et des imprimés que l’on peut avoir dans sa garde-robe. Je ne propose que des hauts, ce sont des pièces fortes qui font ressortir un look. C’est une base de collection à développer au fur et à mesure à partir de 12 pièces basiques déclinées en deux longueurs.
Ma collection #01TERRITORY est aussi "no season" grâce aux superpositions de vêtements : une doudoune fine en dessous d’une parka ou d'une veste en hiver, ou juste un léger t-shirt ou une chemise à porter sous une veste ou une veste sous une pièce sans manches… Ses vêtements aux volumes droits jouent entre des matières techniques et des tissus nobles. On retrouve dans chacune le gros grain, identité de la marque. Ce vestiaire s’adapte aussi bien au quotidien qu’aux sorties nocturnes.
Quelle est votre pièce fétiche ?
Il y en a deux : le poncho et le bomber tressé. Je considère ce dernier comme une pièce exceptionnelle. Dans ma collection, je retravaille les pièces emblématiques de différents pays. Je joue ainsi le côté streetculture, c’est un tour du monde. Chaque pièce est inspirée d’une culture spécifique : le kimono fait écho au Japon, la parka reflète l’underground berlinois, la chemise longue s’inspire des deels mongoles (vêtement traditionnel des nomades). Chacune porte le nom d’un quartier dans le monde : ainsi le bomber Brooklyn est un clin d’oeil à l’équipe de baseball de Brooklyn. Tijuana représente le Mexique et les gangs mexicains qui portent des vestes sans manches pour montrer leurs tatouages et leurs appartenances à un gang. Sighthill, c'est pour le nom du tissu Macintosh (coton déperlant) utilisé en Écosse.
Vous revendiquez l’upcycling ?
Ma marque s’inscrit dans une philosophie éco-responsable : c'est une mode recyclée (upcycling) et locale. Mon sourcing de tissus est réalisé à Paris : j’achète des stocks utilisés par de grandes marques de luxe. J’accorde une extrême attention aux matières que je veux de grande qualité comme le double crêpe, l’Ottoman et le jersey.
Quelles sont les difficultés d’une production à Paris ?
En me localisant dans le grand Paris, entre Montreuil et Pantin, je n’ai pas de trace carbone élevée. Ma fabrication 100% française est ainsi éthique. Je travaille chaque pièce à la main : les tissus sont tressés et détournés. Il y a une base (un fond de veste en organza par exemple) sur laquelle j’entrecroise le tissu que je tresse à la main. Bien sûr la production locale induit des prix plus élevés !
l'amoureuse des matieres
En citadine amoureuse de la nature, la créatrice se passionne pour les effets matières inspirés des textures naturelles (les nœuds du bois, les traces de roues dans la boue) et de l’atmosphère de la ville (le béton, les pavés, les néons).
Une inspiration que l'on retrouve dans les trois vidéos suivantes réalisées par Ida Quilvin & PH.
La créatrice est également influencée par les voyages qu’elle fait, et notamment celui au Japon, un pays où contrastent street culture et traditionalisme. Les films, les documentaires et la musique déterminent aussi l’univers de cette cinéphile. Parmi les créateurs qu’elle admire, elle cite Yohji Yamamoto et notamment sa collaboration avec Adidas Y3 mais aussi Iris Van Herpen pour ses effets matières, Boris Bidjan Saberi pour ses volumes ou Rick Owens pour son côté trash et choquant.
Cécile Dallancon débute son cursus artistique en graphisme. Ces trois années d’études sont une révélation : le travail des matières lui permet de donner une identité à ses créations. Elle intègre Esmod Paris et lors d’un échange à Esmod Tokyo tombe amoureuse de la culture du pays. Elle poursuit ensuite avec des stages à Londres en 2013.
La marque XY XX Made in memory naît en 2013 au même moment qu’elle remporte deux prix au Festival international des jeunes créateurs de mode de Dinard : le Grand Prix de mode homme et le prix de mode éthique - upcycling pour ses tissus réalisés à la main. A cette époque, la griffe - composée d’un duo avec Kyuho Lee - propose un vestiaire streetwear s’inspirant des cultures asiatiques.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.