En lice à Dinan, le créateur chinois Zhikai Yang, adepte de la slow fashion, fusionne l'ancien et le moderne
Comme les 9 autres créateurs en lice pour le Festival de Dinan, Zhikai Yang y présente 7 silhouettes : 6 défilent le samedi 8 avril au soir, la dernière sera exposée sur son stand au Théâtre des Jacobins où il fera découvrir son univers.
Élevé en bord de mer à Hainan en Chine, Yang Zhikai a été influencé par les traditions de son île tropicale où "beaucoup de gens se consacraient, chez eux, à la fabrication de tissages "Li" et "Miao", explique-t-il dans un français hésitant, avant d'ajouter : "Ces tissus, légers ou épais, étant employés tant à la réalisation de draps de lit que de vêtements." Le créateur a aussi puisé son inspiration dans la riche nature environnante : il utilise un arbre aux propriétés odorantes pour parfumer ses vêtements.
Comment est née cette passion pour les tissus anciens ?
"J'avais l'habitude d'aller le dimanche faire le marché avec mon père. Il recherchait continuellement des objets anciens. Jadis, l'ile de Hainan était un lieu de passage des bateaux de marchandises et beaucoup ont coulé. Aujourd'hui, les gens récupèrent ses marchandises et les vendent. J'avais environ 17 ans quand j'y ai découvert de jolis tissus anciens. Ce fut le déclic."Quel est votre parcours ?
"Je suis alors parti étudier l'anglais à Pékin, avant de suivre en 2012 les cours à l'école de mode Esmod Pékin, dont je suis sorti avec une spécialisation homme et modélisme en 2015.""Pendant les deux premières années de formation, nous avons étudié le vêtement féminin, et ce n'est seulement qu'en 3e année que nous abordons le vêtement masculin", précise le créateur qui concourt dans la catégorie homme au Festival international des créateurs de mode de Dinan.
Depuis la sortie d'Esmod Pékin, qu'avez-vous fait ?
"À l'été 2015, j'ai intégré le studio couture du designer Xiaoping Xu, puis présenté quelques silhouettes pendant la Fashion week chinoise en octobre 2015." Depuis la fin de l'année 2015, Zhikai Yang travaille avec la marque de foulard Sefhyir. "À mon arrivée à Paris, en août 2016, j'ai étudié le français puis enchaîné avec Esmod Paris", indique-t-il.Le thème du Festival est "Sauver la planète". Dans quelle mesure vos modèles y contribuent-ils ?
"Je pense que je suis bien dans le thème puisque mon concept est d'utiliser des tissus anciens, principalement des indigos, ainsi que des cuirs au tannage végétal." Le créateur de 24 ans prône la slow fashion : "J'aime les vêtements de qualité qui perdurent, ceux que l'on garde longtemps, comme un ami. Je suis content de conserver un vêtement car il prend avec le temps des caractéristiques qui me sont personnelles. Pour moi, un vêtement inusable est de plus en plus exquis", insiste-t-il avant d'ajouter : "Je suis jeune mais j'aspire à faire fusionner l'histoire d'hier avec celle d'aujourd'hui. C'est un moyen de faire perdurer des histoires anciennes."Pouvez-vous me parler des silhouettes présentées à Dinan ?
"Je présente 7 silhouettes soit un total de 24 pièces. Beaucoup sont confectionnées avec des tissus anciens provenant de ma région en Chine. Certains d'entre eux sont même réalisés avec des écorces d'arbres. J'emploie aussi de l'indigo que j'adore tout particulièrement car il vieillit bien. En effet, avec le temps, il change de couleur. Ces tissus, je les fusionne avec des tissus neufs qui viennent de France et d'Italie. Certains sont contrecollés entre eux, d'autres soulignent une couture ou une encolure intérieure, ou encore décorent une poche. Mes colorants sont naturels.""Cette garde-robe masculine est un workwear mixé d'inspiration militaire et de costume fonctionnel", explique Zhikai Yang. "Ainsi cette veste réversible, par exemple, est doublée de tissus anciens sur les coutures. On retrouve ce tissu ancien à l'intérieur de soufflets situés sur le devant de la veste. Ces derniers cachent ce tissu comme un trésor", ajoute Zhikai Yang avant d'expliquer "Si on grossit, il suffit de découdre les soufflets pour continuer à porter la veste." Les détails sont judicieux : "Cette poche, par exemple, se cache dans le poignet de la manche. C'était une astuce utilisée avant dans le temps", précise-t-il.
Le jeune créateur, qui prône la fusion entre l'ancien et le moderne, présentera aussi un modèle qui s'inspire d'un costume traditionnel de la dynastie Wei "avec son encolure ronde, ses manches larges et courtes et sans ligne d'emmanchure", ainsi que deux pantalons à porter l'un sur l'autre, "le plus large étant porté sur le dessus, l'autre étant considéré un underwear", précise-t-il.
Pourquoi parfumez-vous les vêtements ?
"Mon père m'a offert des morceaux de bois provenant d'un arbre, le "Chen Xiang". Le bois de cet arbre, qui pousse dans ma ville natale de Haikou, contient une huile odorante. Sa forte et aromatique sécrétion est utilisée chez nous comme encens. C'est un produit cher", insiste-t-il avant d'expliquer : "Au temps de la dynastie Tang, il était déjà utilisé. Pendant cette période, souvent appelée âge d'or de la civilisation chinoise (618-907), les hommes riches et chics en parfumaient leurs vêtements." Et pour une pointe de sophistication supplémentaire, il a créé des accessoires en cuir naturel dont certains servent à ranger les bâtons d'encens.
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