17 coiffes des bords de Rance dévoilent des savoir-faire oubliés, à Dinan
Visite guidée de l'exposition "Coiffes des bords de Rance" avec Huguette Morel, meilleur ouvrier de France en dentelle, Cécile Paris, adjointe au maire de Dinan en charge du patrimoine et des musées, et Frédéric Bonnor, responsable du pôle Musées et Collections de Dinan.
A l'heure où les collections du Musée de Dinan - classé Musée de France - (coiffes, robes, châles, voiles de mariée mais aussi peintures, mobiliers et céramiques…) sont rangées dans des réserves, en attendant leur réinstallation dans le futur musée de la ville, 17 des 249 coiffes bretonnes sortent de l'ombre. Cette exposition se tient jusqu'au 30 mai 2017 dans l'enceinte du Théâtre des Jacobins, le lieu même où ont défilé 10 jeunes talents lors du Festival international des jeunes créateurs de mode de Dinan, qui s'est tenu du 7 au 9 avril 2017.
"Ce patrimoine unique pour la Haute-Bretagne est l'occasion de montrer le savoir-faire des siècles précédents en regard du travail des jeunes créateurs" explique Cécile Paris avant d'ajouter : "Ces coiffes témoignent de l’évolution de cet élément de parure féminine, de la Rance du Méné à la Rance maritime, des années 1830 aux années 1930".
Depuis quand est portée la coiffe ?
"A l'origine les coiffes dissimulent les cheveux en signe de pudeur, afin de respecter l’ordre moral imposé par la religion, et protègent la tête pendant les journées de travail" explique Frédéric Bonnor avant de préciser : "Au XVIIIe siècle, la diversité des coiffes et des costumes bretons permettait aux femmes d’affirmer leur appartenance à un territoire". "Parfois même de marquer leur appartenance à un bourg" ajoute Cécile Paris.Huguette Morel précise qu'"était également porté le foulard sous le chapeau de paille pour éviter de se salir" tandis que Cécile Paris souligne qu'"il était mal vu à l'époque d'être bronzée et comme il fallait être pâle, les femmes se protégeaient la tête".
Comment est constituée la coiffe ?
La coiffe des bords de Rance se compose de 4 éléments. La visagière (partie avant de la coiffe) couvre et encercle la tête jusqu’à la naissance du cou, elle se prolonge par deux ailes pouvant être rebrassées (relevées sur la tête). La visagière et les ailes forment le bandeau. Le fond fait office de bonnet pour ramasser les cheveux en chignon. Les rubans permettent de réaliser d’élégants nœuds. Leurs formes et leurs matières diffèrent (chanvre, lin) dès le XVIe siècle.D'où tire-t-elle son nom ?
C'est "De ses particularité que la coiffe tire son nom" explique Frédéric Bonnor : "ainsi l'hirondelle possède de petites ailes, la boule de neige est toute mousseuse, le loq a une crête, la carène est en forme de bateau".Apparu dans la première moitié du XIXe siècle, le loq serait la première coiffe caractéristique des bords de Rance. Elle est parfois surnommée le coq en référence à sa crête arrière. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, elle évolue avec de nouveaux modèles (boule de neige, la caréne).
Dinan est connue pour son bonnet Boule de neige porté à partir des années 1880 par les artisanes et les paysannes qui travaillent chez les notables. Son usage perdure jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au fil des ans, les coiffes anciennes de la Haute-Rance et du Méné cèdent la place à une petite coiffe, légère et simple. Ainsi le loq se métamorphose en coiffe à fond caréné, dite barque renversée. Une confection et un repassage plus simples expliquent cette évolution. La catiole est le dernier type de coiffe (de moins de 10 cm) porté par les femmes de la région et cela jusque dans les années 1950.
Quels sont les matériaux utilisés ?
Il existe une différenciation entre le travail de la dentelle (aiguille ou fuseau) et celui de la broderie. "Pour réaliser une dentelle on part de rien. On tisse le fil, on fait des nœuds, des points de festons, on réalise donc du relief. Tandis que pour la broderie, il y a une base en tissu, en toile, en tulle, en filet et on travaille dessus" tient à préciser Huguette Morel qui ajoute "Les coiffes bretonnes sont en majorité constituées de broderies. Elles sont toujours réalisées avec un fil noble en coton, lin ou soie"."L'importance de la coiffe est grande puisqu'elle faisait partie de la dot de la mariée. Plus on évolue dans les strates de la société et plus les coiffes sont belles et chères" ajoute Cécile Paris.
Huguette Morel, qui œuvre à la transmission de ce savoir-faire, chine beaucoup dans les brocantes, recherche des trésors dans des vieilles merceries pour retrouver des broderies et dentelles anciennes. Elle doit parfois réparer des matériaux dont les fils sont fatigués par le temps : "En effet, j'ai été ainsi amenée à déplier entièrement une pièce, à la découdre pour la restaurer mais aussi à réaliser, par exemple, un voile de mariée à partir d'une pièce ancienne".
L’évolution de la coiffe aux XIXe et XXe siècles
Après la Révolution, les coiffes sont encore de taille importante pendant la première moitié du XIXe siècle, puis le bandeau diminue tandis que les ailes sont relevées sur le haut de la tête. Des modifications amplifiées par l’abandon du chanvre ou du lin au profit du tulle en vogue en Bretagne dès les années 1820. Quant à la broderie, elle n'agrémente la coiffe qu’à partir du dernier quart du XIXe siècle. À l’aube du XXe siècle, cette parure constitue souvent le seul élément blanc du costume."Les femmes de Haute-Bretagne cesseront de la porter à partir des années 30" indique Frédéric Bonnor tandis que Cécile Paris précise "la Bretonne qui se rend à Paris au début des années 50 ôte, en effet, sa coiffe en signe de libération".
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