: Vidéo Discussion avec Jean-Baptiste Andrea, gagnant du Prix Goncourt 2023
“Vous imaginez le désert américain des westerns, il y a un arrêt de bus et on vous dit: il faut attendre à cet arrêt de bus que la chance passe. (...) Je veux vous dire à tous ceux qui veulent consacrer leur vie à cet incroyable métier qu'est celui d'écrivain ou d'artiste, dans tous les arts : ne quittez pas l’arrêt de bus. Le bus va passer. Il faut que vous soyez là pour monter à bord. Ne renoncez jamais, c'est vraiment le truc le plus important” explique Jean-Baptiste Andrea, auteur du roman “Veiller sur elle”, récompensé par le Prix Goncourt 2023. Son parcours est atypique. Il a publié son premier livre à l’âge de 46 ans, “Ma reine”. Pourtant, il rêvait d'être écrivain depuis son enfance. “Je voulais devenir écrivain petit, le monde entier me disait que ce n'était pas vraiment un métier, plutôt un hobby, donc j'ai un peu fait ce détour”. Il travaille pendant 20 ans dans le milieu du cinéma.
“J'écris mon premier roman, Ma reine, parce que je n'en peux plus des avis des autres. Je veux juste écrire quelque chose qui soit moi”
“Je suis vraiment parti de zéro, armé de mon enthousiasme et de ma naïveté qui ont été très précieux. Et après 20 ans de cinéma, j'ai ressenti une grande frustration qui était due au fait que toutes les idées ont un coût, alors qu'en littérature, elles sont complètement gratuites. Si je veux parler d'une parade d'éléphants qui passe sous la tour Eiffel, au cinéma, ça a un coût monstrueux. À l'inverse, en littérature, ça ne coûte rien d'autre qu'une page et un peu d'encre. Donc ça, j'avais cette frustration-là et j'avais envie de la liberté que m'offrait la littérature et que ne me proposait plus le cinéma” déclare Jean-Baptiste Andrea. Deux moments de sa vie vont être décisifs : une fois où le CNC refuse de financer son film car son univers “n’est pas assez français”. Et une seconde fois, où un géant du streaming lui explique que son film est “trop original”.
C’est un coup dur pour lui : ““C’était très dur parce que je ne voyais pas d'échappatoire. Je suis prêt à lutter contre tout, contre la précarité, le doute, etc., mais la joie qui est de faire quelque chose, j'espère, un petit peu plus original, un peu différent, on m'enlève ça et là, j'ai vu un trou noir énorme. Ça m'a duré une semaine. Au bout d'une semaine, le fameux roman auquel je pensais depuis quatre ans, sans savoir comment l'aborder, se débloque alors que je promène mon chien parce que j'ai entendu cette phrase qui me met d'abord au tapis et ensuite me fait voir une autre voie. Et c'est là que j'écris mon premier roman, Ma reine, parce que je n'en peux plus des avis des autres. Je veux juste écrire quelque chose qui soit moi, et j'écris ce roman dans une sorte d'élan irrépressible”. Il a alors 45 ans.
“Alors que je l'écris, je me dis : quelle joie ! J'ai l'impression d'être revenu à la source la plus pure de ce que j'aime”
“Alors que je l'écris, je me dis : quelle joie ! J'ai l'impression d'être revenu à la source la plus pure de ce que j'aime, d'avoir remonté une rivière qui était de plus en plus polluée, et je suis sous cette cascade merveilleuse en pleine nature. Et je me rappelle m'être dit : n'oublie jamais cette joie-là, ne te compromets plus jamais. Mais paradoxalement, je ne me dis pas: tu écris ce livre pour être publié. J'écris juste ce livre pour me reconnecter avec moi-même, ce que j'aime profondément”. Mais l’écrivain n’est pas au bout de ses peines. Il envoie le manuscrit à 15 maisons d’édition et essuie 15 refus. “Mais je suis quelqu'un de très optimiste. J’adorais ce roman. Je me dis : quelqu'un comprendra. Par hasard quelqu'un me parle à ce moment-là de L'lconoclaste, qui avait fait 20 ans de beaux livres, pas de romans encore. Je leur envoie, et j'ai un coup de fil, où ils me disent: surtout, ne le montrez à personne, venez, on adore votre roman. Et ça, ça change ma vie”. La littérature pour lui est “une façon d'être complètement dans le monde. J'ai souvent l'impression de ne pas habiter le même monde que les gens, mais ce n'est pas grave. En tout cas, je le partage. Et ce qui a été merveilleux, c'est qu'au contraire, j'ai trouvé très tôt un lectorat qui m'a dit : je vois le même monde que toi. Ça, c'est la grande joie de ma vie” conclut Jean-Baptiste Andrea.
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