L’enfance, l’amitié, l’amour, la transmission ont souvent été au cœur des romans de Tahar Ben Jelloun. Mais celui qui décrocha le Prix Goncourt en 1987 avec « La Nuit sacrée » (Seuil) a choisi cette fois d’évoquer une réalité très crue, assez loin de l’univers poétique auquel l’auteur nous a habitué.Pas de poésie effectivement dans les chiffres : en 2005, en France, le cancer de la prostate était le cancer le plus fréquemment diagnostiqué avec une estimation de 62 245 nouveaux cas. Il représente la quatrième cause de mortalité par cancer, avec 9 202 décès estimés. En 2010, plus de 20 000 hommes ont subi une prostactomie totale. Un acte parfois nécessaire mais qui a des conséquences lourdes pour le patient, à savoir l’incontinence et l’impuissance.Interview de Tahar Ben Jelloun invité du Soir 3 de Patricia Loizon Tahar Ben Jelloun parle de ce qu’il connaît car il a effectivement développé un cancer de la prostate mais qui a été pris à temps. A défaut d’ablation, il a pu opter pour la curiethérapie (opération qui consiste à implanter dans la prostate des grains d'iode 125).Malgré cela, il a vécu toutes les étapes douloureuses qui vont du premier examen, à l’attente des résultats en passant pour les traitements. La panique, la solitude, le corps qui change et dont les réactions échappent à celui qui l’habite, lui font honte. Cette expérience, il l’a reliée à celle d’un ami. Est-il réel ou inventé, on l’ignore mais peu importe au fond. Car l’écrivain a passé des journées entières dans le service d’urologie de l'hôpital Saint-Louis à Paris. C’est d’ailleurs le chef de ce service, le Pr François Desgrandchamps, qui l’a incité à écrire sur le cancer de la prostate.Car au-delà du traumatisme vécu par les patients, il apparaissait nécessaire de parler des familles et notamment des épouses, désemparées face à ce cancer qui, même une fois traité, remet en cause le fonctionnement intime du couple.Concernant l’absence de sexualité qui découle parfois de la maladie, Tahar Ben Jelloun confiait ceci à nos confrères du JDD : « Une vie sans sexualité me semble possible. Vieillir consiste à accepter la défaite. »"L'Ablation" de Tahar Ben Jelloun, Gallimard, 144 p., 14,90 euros