Salon du livre jeunesse de Montreuil : privés de scène, les auteurs "font salon" dans les classes
Faute de salon physique cette année, le Salon du livre jeunesse de Montreuil a voulu maintenir les rencontres avec les auteurs, un des piliers de cette fête annuelle de la littérature jeunesse.
Silence parfait ce matin-là dans cette classe de 6e du collège Solveig Anspach de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les collégiens sont installés sur les tables qui ont été placées de telle sorte que se forme devant eux une scène. Cette année, comme le Salon lu livre et de la presse jeunesse de Montreuil ne peut pas accueillir comme d'habitude les scolaires pour des rencontres avec les auteurs, ce sont les auteurs qui se déplacent chez eux, dans les classes.
Ce jeudi 3 décembre, masques qui leur mangent le visage mais yeux écarquillés, les enfants écoutent avec attention le comédien Adrien Madinier leur faire une lecture théâtralisée de Jeanne, la fille du docteur Loiseau – Le cadeau de Kiki de Montparnasse, de Carole Trébor. L'autrice est présente elle aussi dans la classe. Les enfants semblent avoir mordu à l'intrigue de ce roman qui se déroule dans les années 20 et met en scène une petite fille, Jeanne, qui rêve de devenir médecin comme son père, et va croiser sur le chemin de ses aventures tout ce que le quartier de Montparnasse à Paris compte d'artistes, de Prévert à Queneau, en passant par Kiki de Montparnasse.
"La lecture !"
"Il reste vingt minutes, on continue la lecture ou vous préférez poser des questions ?" interroge l'écrivaine. "La lectuuuuure !", répondent d'une seule voix les enfants. L'acteur poursuit quelques minutes puis s'arrête, sous les applaudissements. Le temps de revenir au XXI e siècle et les questions fusent, très concrètes : nombre de chapitres, nombre de pages, prix du livre, temps d'écriture, adaptation au cinéma…
Pour l'autrice, cette lecture est un peu particulière : les collégiens sont les premiers "lecteurs" à recevoir son roman, qui paraîtra le 6 janvier 2020 aux éditions Albin Michel Jeunesse. "C'est traquant parce que d'habitude, quand je rencontre les lecteurs, le livre est déjà sorti, les enfants l'ont déjà lu mais dans leur intimité. Là, c'est une réception en direct, et on ne sait pas si le livre va leur plaire", confie l'écrivaine, qui se dit rassurée par l'accueil enthousiaste que lui ont réservé les enfants.
"Ça m'a donné envie de lire pour connaître la suite", réagit Joachim. "Ça change des livres fantastiques, on est bien dans l'histoire", poursuit Eldar. "Le fait qu'il y ait des vrais personnages de la vraie vie qui ont vraiment existé, ça me plaît", renchérit Hanna.
"Avec la lecture théâtrale, c'est comme si on était dans le moment qui se passe dans le livre, comme si on était dans l'histoire !"
Hanna, élève de 6eà franceinfo Culture
Pour Nino, habituellement lecteur de BD, cette séance lui a donné envie de se lancer dans la lecture du roman. Adam aimerait aussi connaître la suite et Mohamed a l'air lui-même surpris d'avoir été accroché par un roman : "D'habitude, je lis des mangas et pas des romans, mais là, j'aime bien, on parle de Paris et l'histoire est bien." "C'est une histoire prenante, avec des personnages historiques, et des gens qui veulent faire quelque chose pour les autres", tient à dire Emile. "Et moi j'aime bien les histoires avec des rebondissements", conclut Robinson.
Pour Aurelia Lorne, leur professeur de mathématiques, cette lecture servira à amorcer une réfléxion sur un sujet qui lui tient à cœur : "J'ai trouvé ça super que le texte aborde cette question de la place de la femme dans les sciences, et je vais m'appuyer sur cette lecture pour organiser un débat dans la classe."
Adrien Madinier, le comédien, en profite pour expliquer aux enfants les vertus et bonheurs de la lecture. "Ce que j'ai fait ce matin devant vous, c'est essayer le plus possible de vous faire voir ce qui se passe dans le roman, c'est un peu ce qui se passe dans votre tête quand vous lisez, des signes alignés sur une page tout à coup créent des mondes", leur dit-il.
Le livre laisse une grande place à l'imaginaire, c'est différent de la télé, ou des écrans.
Adrien Madinier, comédien
"Quand vous lisez, vous pouvez avec votre propre imaginaire créer votre truc à vous. Et c'est chouette l'imagination."
"Une belle porte d'entrée vers les livres et la lecture"
"Pour les enfants, la lecture à voix haute, et encore plus quand elle est théâtralisée, est une belle porte d'entrée vers les livres et la lecture", souligne Nathalie Donikian, responsable éditoriale du salon de Montreuil. "Et en ce moment, c'est très dur, avec la situation que l'on vit, beaucoup d'ados vont mal, c'est difficile", ajoute Christelle Picard-Boutet, la principale du collège, qui organise habituellement pour ses classes des sorties au salon de Montreuil .
"Cette année, comme on ne peut pas sortir, on fait venir les artistes à nous. La semaine dernière on avait organisé une lecture dessinée, et on a été ravis quand le Salon du livre jeunesse de Montreuil nous a proposé ces rencontres. Les élèves ont besoin d'ouverture, il faut qu'on leur apporte ici entre les murs du collège des perspectives, des horizons", estime la principale.
200 auteurs, artistes, sont au rendez-vous de ce salon de Montreuil pour des rencontres, des lectures, en présentiel ou en visioconférence avec les élèves de collèges et lycées. Soixante-dix des artistes invités ont également enregistré des vidéos à l’intention des élèves, dont peuvent disposer les enseignants dans leur classe.
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