"Voici venir les rêveurs" d'Imbolo Mbue, un premier roman lumineux
Pour Jende et Neni, New York c'est vraiment le Graal. Chaque matin, tous deux n'en reviennent d'avoir réussi à poser le pied aux Etats-Unis. Dans ce pays qui offrira éducation et protection à leurs enfants. Evidemment, la vie n'y est pas facile. Surtout quand on n'a pas les papiers nécessaires. Il faut ruser, biaiser. Mais Jende s'en sort bien, en décrochant le job inespéré : chauffeur d'un des patrons de Lehman Brothers, la pieuvre financière de Wall Street. Le soir, il retrouve les cafards qui grouillent dans le vieil appartement de Harlem.
En quelques mois, il découvre, dans l'habitacle de la Lexus de fonction, toute une vie qu'il n'imaginait pas. Celle des très riches Américains. Le luxe. Mais aussi le cynisme, les névroses, l'alcool et les prostituées. Jende est d'une loyauté sans faille, affable et diplomate. Le prix à payer pour espérer pouvoir s'installer pour de vrai, obtenir le permis de travail et permettre à Neni d'entreprendre ses études de pharmacienne. Et envoyer de l'argent, toujours un peu plus, à la famille restée à Limbé, au Cameroun, ce lieu fantasmé... qu'il ne veut surtout pas retrouver.
Mais l'orage gronde. Jende ne le sait pas encore, mais son boss est l'un de ceux qui, par leur inconscience et leur cupidité, vont faire s'effondrer l'économie mondiale, en premier lieu celle des Etats-Unis. La crise explose, la famille camerounaise perd le peu qu'elle avait, en l'occurrence un bon job. Et voilà le rêve qui s'obscurcit, tandis que la perspective d'un peu glorieux retour à Limbé prend corps.
Espoir contagieux
Une autre qu'Imbolo Mbue aurait pu faire de cette histoire une version moderne des Misérables. Mais c'est tout le contraire que nous raconte la romancière camerounaise. La famille qu'elle nous invite à suivre est épatante, sa bonne humeur et ses espoirs sont contagieux. Et elle décrit avec une formidable justesse le choc des cultures entre ces immigrés africains et les grandes familles américaines. Parfois les mots sont blessants, la méconnaissance de l'autre navrante. Mais il y aussi ces points de rencontre imprévus, ces enfants qui se moquent bien de la couleur de peau.Il y a beaucoup d'émotion et de scènes magnifiques dans "Voici venir les rêveurs". Pour son premier roman, Imbolo Bue repeint New York de toutes les nuances de l'espoir.
"Voici venir les rêveurs" d'Imbolo Mbue (Belfond)
440 pages - 22,00 euros
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