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"La route sauvage", un adolescent en mode survie dans l'Amérique des laissés-pour-compte

"La route sauvage" est une épopée des temps modernes qui met en scène Charley Thomson, un adolescent de 15 ans livré à lui-même dans une Amérique pauvre et violente. Le réalisateur britannique Andrew Haigh propose une adaptation fidèle et sobre du bouleversant roman éponyme signé Willy Vlautin, réédité chez Albin Michel à l'occasion de la sortie du film.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Charlie Plummer dans "La route sauvage"
 (Ad Vitam)

Charley a 15 ans quand l'histoire commence. Il vient de débarquer à Portland dans l'Oregon avec son père. Le jour se lève. Il sort de son sac une photographie de lui petit avec sa tante Margie, et deux coupes qu'il pose sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, avant de partir courir dans le quartier. Il compte bien reprendre les entraînements de football américain à la rentrée, quand il retournera au lycée. En attendant c'est l'été, alors il court pour prendre du poids, et des muscles. Au cours de son footing matinal, il passe devant un champ de courses. Quand il rentre, une femme est en train de préparer le petit déjeuner. Elle s'appelle Lynn, une femme mariée que son père a rencontrée au boulot.

Dans les pas d'un cheval

Après avoir échangé quelques mots avec son fils, le père quitte la maison, laissant à son fils un billet de 10 dollars. Il ne revient pas avant plusieurs jours. Déménagements à répétition, un père aimant mais inconstant, une mère aux abonnés absents, malgré son jeune âge, Charley semble avoir l'habitude de se débrouiller. Pendant l'absence de son père, il trouve à se faire embaucher sur le champ de courses par Del Montgomery, un vieil entraîneur lunatique porté sur la bière.
Charley apprend à s'occuper des chevaux et découvre le monde des courses, pas toujours reluisant. Il se prend d'affection pour un cheval nommé Lean on Pete, à qui il confie ses chagrins et ses souvenirs. Une nuit, un mari jaloux défonce la porte de la maison et frappe son père à mort. Charley s'installe sans rien dire à personne dans la sellerie de Montgomery. Quand Lean on Pete commence à perdre des courses et que le vieil entraîneur dit vouloir s'en débarrasser, c'en est trop pour Charley qui décide de s'enfuir avec le cheval pour le sauver et de se sauver lui-même, en tentant de retrouver sa tante Margie…

La vie sauvage

"La route sauvage" est une adaptation fidèle du roman éponyme de  Willy Vlautin, que les éditions Albin Michel rééditent à l'occasion de la sortie du film. Un roman qui déploie à la première personne le destin de cet adolescent sur qui s'acharne le destin, mais doté d'une volonté et d'un instinct de vie hors du commun. L'histoire est plantée dans les décors de l'Amérique des laisser-pour comptes, où ce champ de course à moitié déchu apparaît comme symbole d'un pays en décomposition, d'un rêve américain décrépi.
"La route sauvage", Charlie Plummer
 (Ad Vitam)
La route sur laquelle est jeté Charley est bel est bien sauvage. Le garçon traverse des paysages grandioses de l'ouest, peuplés de coyotes, de paumés, ou de vétérans des guerres menées par le pays à l'autre bout de la planète. L'adolescent rendu à l'état sauvage tient son cap malgré la violence, la faim, le froid. Il reste tendre et garde son humanité, mu par son désir fou de protéger Lean on Pete, son cheval, et par les souvenirs de l'amour donné par son père maladroit, ou autrefois par sa tante Margie. Quête initiatique d'une rare violence, "La route sauvage" est un roman puissant, qui transporte le lecteur dans le combat pour la vie d'un adolescent au seuil de l'âge adulte, guidé par un increvable besoin de tisser des liens avec ses semblables.

Une adaptation sobre et fidèle

Pour son adaptation au cinéma, le réalisateur britannique Andrew Haigh a choisi la sobriété. Fidèle au roman, la caméra reste constamment au plus près du personnage de Charley, magnifiquement interprété par le jeune Charlie Plummer, Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir à la Mostra de Venise en 2017 et prix d'interprétation masculine au festival de cinéma européen des Arcs.

Andrew Haigh a su éviter l'écueil du pathos. Ni larmoyant, ni misérabiliste, "La route sauvage" est une peinture sociale plus proche du cinéma britannique que des grosses productions américaines. Des plans fixes, très larges, sur les vastes paysages de l'Ouest américain pour dire le temps qui passe et l'âpreté du voyage solitaire de Charley. Pas de musique, ou très peu, mais le son du pas du cheval, comme une ritournelle entêtante qui accompagne son périple insensé, des personnages secondaires bien campés, croqués pour certains en quelques plans efficaces, servis par des dialogues sans bavardages. Seul petit bémol, quelques longueurs, même si le réalisateur a su tailler sans le dénaturer le roman de Willy Vlautin et en garder la substantifique moelle.  
 
Un beau film à partager avec les ados, qui peuvent aussi lire le magnifique roman initiatique de Willy Vlautin.

Le Film

Affiche du film "La route sauvage", de Andrew Haigh
 (Ad Vitam)

LA FICHE

Genre :Drame 
Réalisateur : Andrew Haigh
Pays : Grande Bretagne
Acteurs : Charlie Plummer, Steve Buscemi, Chloë Sevigny 
Durée : 2h01
Sortie : 25 avril 2018

Synopsis : Charley Thompson a quinze ans et a appris à vivre seul avec un père inconstant.
Tout juste arrivé dans l’Oregon, le garçon se trouve un petit boulot chez un entraineur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière.
Le jour où Charley se retrouve totalement livré à lui-même, il décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n'a qu’un lointain souvenir. 
Dans l'espoir de trouver enfin un foyer, ils entament ensemble un long voyage….

Le livre

L'écrivain américain Willy Vlautin
 (Lee Posey)

"La route sauvage", de Willy Vlautin, traduit de l'américain par Luc Baranger
(Albin Michel/Terres d'Amérique  - 307 pages - 20 €)
Né en 1967, Willy vlautin est l'auteur de "Motel life" (2006), "Plein Nord"(2010). Vlautin est aussi musicien, chanteur du groupe Richmond Fontaine, et on peut entendre sa voix dans la BO du film. 

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