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"En bande organisée", impitoyable roman de Flore Vasseur sur le pouvoir financier

Qui gouverne ? Qui détient le pouvoir ? Une interrogation qui scande le troisième roman de Flore Vasseur, "En bande organisée". Elle y met en scène une bande de quadragénaires ambitieux issus, comme elle, de HEC. L'un d'eux, communicant chez "Folman Pachs", est chargé de dissimuler un scandale financier qui va éclater. Réussira-t-il ?
Article rédigé par franceinfo
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Pluie de billets de banque, et, en fond, Bercy
 (AFP)

"Mon adversaire, mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance... Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera pas élu. Et pourtant, il gouverne". Ce discours de campagne de François Hollande (au Bourget en janvier 2012) vous avait marqué? Laissez tomber la presse et plongez-vous dans En bande organisée, le troisième roman de Flore Vasseur.

Ce thriller politico-financier met en scène une bande de quadragénaires issus (comme le chef de l'Etat ... et comme la romancière) de HEC (promo 97). Ils travaillent à Bercy, dans la communication ou dans la banque. L'intrigue, qui s'inspire de faits réels, débute en septembre 2011 à Wall Street, dans la nouvelle tour de de la banque Folman Pachs (allusion transparente à Goldman Sachs). Pourquoi le lire ?

Parce qu'il plonge dans les arcanes de la zone euro

En bande organisée explique ce qui pêche dans la construction de la zone euro, à la lumière de scandales passés inaperçus. Retour à l'intrigue :  Sébastien, un jeune "seigneur de la com", doit occulter la façon dont plusieurs pays européens comme l'Italie et la Grèce  "ont trafiqué leurs comptes" pour répondre (en apparence) aux  critères de Maastricht. Accomplira-t-il sa mission ? Ou virera-t-il casaque, accablé par la réalité des mensonges qu'il véhicule ?

Accrochez-vous, Flore Vasseur livre le mode d'emploi des mensonges en question: "Le traficotage des comptes grecs par Folman Pachs a été réalisé par une technique parfaitement légale à l'époque, validée par Eurostat, mais tenue secrète auprès du peuple.

Il s'agit de swaps de devises, la conversion d'une partie de la dette placée en devises étrangères à un taux négatif en échange d'un apport en cash immédiat, par l'institution financière en question, à un taux tout à fait confortable pour elle, mais létal pour le pays : l'accord acte notamment la préemption des revenus futurs. Vous n'avez rien compris ? C'est fait pour. Mais croyez-moi ça marche!".

Et de poursuivre, un peu plus loin : "La pratique s'est installée, sophistiquée, diffusée, faisant basculer les relations entre Etats et institutions financières dans la collusion, le mensonge, et le pays dans les dettes astronomiques. Celles que les politiques d'austérité, décrétées dans la panique et punissant les populations mais jamais l'élite sont censées résorber".

Sa conclusion ? "Je veux bien qu’on fasse en Europe des politiques d’austérité qui ne mènent à rien mais on paie pourquoi ?" Invitée d'"Un livre un jour" sur France 3 (vidéo ci-dessous), elle avait posé la question autrement : "Qui gouverne ?"

Parce qu'il met en scène une génération d'HEC, tout proches du sommet

Grande force de son roman, la galerie de portraits de quadragénaires HEC, qu'elle dépeint à merveille. Il y a là Vanessa, âme damnée d'une agence de pub volant au secours de l'image d'entreprises en détresse. Prête 24 heures sur 24 puisqu'ayant sacrifié toute vie privée. Il y a Clara, la journaliste économique qui n'a plus le temps de faire ni les moyens de faire des enquêtes digne de ce nom et dont le dernier scoop va être sacrifié. Ou Jeremy le génie financier qui monte des financements pour les Etats endettés, mais n'a plus un regard pour son épouse Allison, devenue femme au foyer malgré ses brillantes études. 
 
Quarante ans, âge critique pour les cadres ambitieux. Dans cinq ans, ils seront au sommet, éjectés ou au placard. Ils n'ont vu ni grandir leurs enfants ni arriver leurs cheveux blancs. La plupart d'entre eux s'interrogeront sur le sens de leur travail trop tard, après avoir presque tout perdu.  Une génération dont elle brosse avec acuité les traits saillants, en connaisseuse.

De tous ces personnages, c'est celui de Clara, la journaliste économique, dont elle se sent le plus proche. Et elle s'étonne, comme elle, qu'"on passe de scandale en scandale sans qu'il y ait de vagues. C’est ce que j’appelle la banalité du renoncement."

Renoncement qu'elle impute, comme son personnage, à des "médias au bord de l’apoplexie financière, qui n’ont plus les moyens d’informer.". Pour Flore Vasseur, la vérité est là, connue, sur la table, accessible à qui la cherche, notamment dans la presse financière et spécialisée. En version papier, son livre est d'ailleurs enrichi de flashcodes, qui renvoient vers des liens pertinents (qu'on retrouve ici).

Sorti cet automne, le livre de Flore Vasseur a été supprimé de la dernière sélection de l'Interallié. Trop léger ou trop sérieux ?

En bande organisée, Flore Vasseur (édition des Equateurs, 19 euros).

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