Prix Goncourt : les livres primés font-ils toujours recette ?
Le Goncourt - dont le lauréat 2019 Jean-Paul Dubois a été annoncé le 4 novembre - est le plus prestigieux des prix littéraires français. Mais est-il toujours une garantie de succès ?
On connaît le prestige du prix Goncourt, la tension vécue par les écrivains en lice, le bouleversement potentiel de carrières pour les lauréats. L'attribution du précieux trophée assure-t-elle systématiquement, toutefois, une vente conséquente de l'ouvrage ?
Les prix littéraires prescripteurs
Les deux derniers Goncourt se sont plutôt bien vendus. En février 2019, Nicolas Mathieu avait atteint 375 000 exemplaires pour Leurs enfants après eux (prix Goncourt 2018). Une belle performance, qui lui avait permis de surpasser son prédécesseur : L'Ordre du jour d'Eric Vuillard (Goncourt 2017), qui lui avait atteint 299 700 ventes fin 2017.
Globalement, les œuvres lauréates connaissent chaque année un franc succès commercial. C'était la conclusion d'une étude publiée en octobre 2017 par l'institut de marketing GfK. L’étude avait mesuré les ventes moyennes des ouvrages récompensés entre 2012 et 2016 et observait que les œuvres primées au Goncourt se vendaient à presque 400 000 exemplaires en moyenne, soit bien plus que celles récompensées par des prix comme le Renaudot (environ 220 000 ventes), le Fémina ou l’Interallié (entre 40 000 et 85 000).
D’après le 3e baromètre Ipsos/CNL sur les Français et la lecture, publié le 13 mars 2019, la majorité des Français programme ses achats de livres avant de se rendre sur un point de vente. "Si la presse les incite moins qu'auparavant à se déplacer, les prix littéraires drainent encore plus de lecteurs qu'en 2017", explique Isabel Contreras de Livres Hebdo. Le pic de ventes est atteint peu avant Noël. Car chaque année, le Goncourt devient le beau livre que l’on a envie de posséder… et se retrouve au pied de tous les sapins.
"Chanson douce" (Goncourt 2016) approche le million d'exemplaires vendus
Certaines œuvres explosent même les compteurs. Les Bienveillantes de Jonathan Littell avait franchi la barre des 500 000 ventes en 2006, l’année de son sacre. Mieux, les ventes de Chanson douce de Leïla Slimani, dépassant les 500 000 l'année du prix (2016), approchent en 2019 le million d’exemplaires (tous formats confondus).
Mais "l’effet Goncourt" a ses limites. Alabama Song de Gilles Leroy avait échoué à atteindre les 200 000 exemplaires vendus en 2007. Boussole, de Mathias Énard, les avait à peine dépassés en 2015. Même chez Gallimard, qui a édité 38 des œuvres lauréates du prix tant convoité depuis sa création, il y a un fossé entre la prouesse de Chanson douce de Leïla Slimani en 2016 et les 177 000 exemplaires vendus de L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni vendus en 2011.
Des écarts qui s'expliquent
Selon Isabel Contreras, les écarts de vente s’expliquent par l’accessibilité et le sujet de l’ouvrage : "Chanson douce traite un sujet contemporain, sur une jeune famille en milieu urbain. L’écriture est accessible, la lecture rapide, ce qui facilite sa vente". Cas de figure différent avec Boussole de Mathias Énard, par exemple, "plus érudit et dense, moins accessible pour certains, faudrait-il conclure", ajoute Isabel Contreras.
Et si 80% des ventes d’un livre primé se font l’année suivant l’obtention du prix, d'autres facteurs relancent l'intérêt des lecteurs, comme la publication du livre en format poche, sa traduction ou son adaptation cinématographique. Porté à l’écran par Albert Dupontel en 2017, Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, Goncourt 2013, s’est écoulé à plus de 900 000 exemplaires. De quoi faire oublier la dotation symbolique de dix euros offerte aux lauréats.
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