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"Le quatrième mur" : Sorj Chalandon bombarde les utopies

Sélectionné dans la première liste du Goncourt, le roman de Sorj Chalandon confronte les idéaux à la réalité de la guerre. Retour au Liban, au cœur d’une très sale guerre.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 1 min
Sorj Chalandon, auteur du "Quatrième mur"
 (ALIX WILLIAM/SIPA)

L’histoire : 1976-1982. Le Liban est plongé dans une guerre aussi complexe que sanglante. Palestiniens, Phalangistes, Chiites, Druzes, puis bientôt Syriens et Israëliens s’affrontent à Beyrouth. Sam, un metteur en scène grec, a nourri l’idée folle de monter l’Antigone d’Anouilh sur la ligne de front, avec des acteurs venus de tous les camps. La maladie l’empêche d’aller au bout du projet. Son ami Georges accepte de prendre le relais. Son voyage au Liban va faire basculer toutes ses certitudes, la guerre lui explosera au visage.

On a tellement envie d’y croire à cette belle aventure, patiemment construite par Sam. Au milieu des gravats, Antigone sera Imane, la Palestinienne. Créon sera Charbel, leCchrétien. Hémon, Nakad le Druze. Et il y aussi Nabil, Nimer, Hussein et Khadija, les Chiites. Le théâtre, les mots, plus forts que la guerre. Utopie ? Et pourquoi pas… Puisque tous ces ennemis en puissance acceptent de faire le pas vers l’autre, de jouer ensemble.

Georges, qui va tenter de monter la pièce à Beyrouth, est un jeune homme engagé à l’extrême-gauche et fait le coup de poing contre les « rats noirs » de l’extrême-droite. Toute sa vie est filtrée par cette grille de lecture, les bons, les méchants, les grandes causes et les autres. Mais sur place, tout va voler en éclat. Les illusions et les corps. Les bombes au phosphore ne sont pas les lacrymos des défilés parisiens. Les snipers. Les viols. Les femmes éventrées. La barbarie. La guerre des fusils n’est pas la guerre des idées… La terreur n’offre plus de grands principes auxquels se raccrocher.

Limpide, direct, sans artifice, le récit de Sorj Chalandon envoie au tapis tous les idéalismes. Il contient un souffle puissant et distille d’inoubliables images. Il réveille aussi des pans de l’histoire presque oubliés, recouverts depuis par d’autres tragédies, d’autres boucheries : les massacres de Chabra et Chatila. Des milliers de palestiniens, froidement exécutés en représailles de l’assassinat du président Bachir Gemayel. Ce « Quatrième Mur » n’est certes pas un grand message d’espoir, mais son final bouleversant force à ouvrir les yeux, à regarder la vie telle qu’elle est. Dans ce qu’elle a de plus sauvage.

 
"Le quatrième mur" de Sorj Chalandon (Grasset) – 320 pages – 19,00 euros

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