Le centenaire de Romain Gary : redécouvrir un talent et un destin hors normes
Quelle entrée choisir dans l'épais dossier Gary ? Le romancier à succès ? L'homme qui aimait brouiller les pistes et qui signa l'une des plus grandes mystifications de l'histoire de la littérature : l'affaire Emile Ajar, pseudonyme sous lequel il obtint un deuxième Goncourt ? Le héros de la seconde guerre mondiale, Compagnon de la Libération ? Le diplomate, consul de France à Los Angeles ? Le fils chéri de Mina Owczyńska, qui lui fit échapper à la Shoah, et lui imagina un destin qu'il n'eut de cesse de vouloir réaliser ? L'homme qui aimait les femmes, qui épousa Jean Seberg ?
Roman Kacew devenu Romain Gary a eu de multiples vies, et ne renonça jamais devant un obstacle, repoussant en permanence ses limites. Publié en janvier 1945 son premier roman, "Education Européenne", reçoit le prix de la Critique. Onze ans plus tard, il décroche le Goncourt pour "Les Racines du Ciel" et devient un des écrivains favoris du public français. Au total, Gary aura écrit une bonne trentaine de livres, dans lesquels son talent pour la "réalité fiction" explose.
Gary s'inspire de la vie, il est un caméléon, doué pour ce que Myriam Anissimov, sa biographe, appelle "l'affabulation créatrice", dont le point d'orgue fut le feuilleton Emile Ajar.
Aujourd'hui, que reste-t-il de l'œuvre de Gary ? Un talent fou, qui n'a pas pris une ride. "Pour moi, Gary n'a pas grand chose à voir avec la littérature française, hormis le fait qu'il soit Français, considère Myriam Anissimov. Je le situerais davantage dans la lignée des Philippe Roth et Saul Bellow".
Le dessinateur, scénariste et réalisateur Joann Sfar publie le 3 avril, chez Futoropolis, une nouvelle version de La Promesse de l'Aube enrichie de ses dessins. "A une époque, Sartre a envoyé Gary au purgatoire de cette génération, raconte Sfar. Mais nous, aujourd'hui, on s'en fout. Une seule chose compte : Romain Gary, ça ne vieillit pas !".
Il n'est pas le seul à manifester son intérêt pour l'écrivain. Le rappeur Disiz, par exemple, raconte que la lecture de "La vie devant soi", alors qu'il avait 12-13 ans, a durablement changé sa façon de voir la vie, et a pesé sur ses choix artistiques. Quant au dessinateur Blutch, il dit avoir été très influencé par "Pseudo" et "Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable".
Bonne nouvelle, les éditions Gallimard publieront en mai un livre inédit de Gary : "Le vin des morts". Son tout premier texte, écrit en 1933, sur une table de café d'Aix en Provence, alors qu'il était étudiant en droit. Son manuscrit avait alors été refusé par les éditeurs. Déçu et vexé, Romain Gary avait donné ce manuscrit à son amoureuse de l'époque, la Suédoise Christel Söderlund. Laquelle, cinquante ans plus tard, finit par le vendre.
Philippe Brenot, écrivain et psychiatre, l'a récupéré lors d'une vente aux enchères. C'est lui qui, chez Gallimard, a supervisé l'édition de ce texte très attendu qui, raconte-t-il, contient toute la révolte qui n'a cessé de bouillir en Gary. "Attention, prévient Myriam Anissimov, c'est un livre de jeunesse, où tout se bouscule, avec des côtés scatologiques !". Du Gary avant Gary. A lire :
"Romain Gary, le caméléon" de Myriam Anissimov (Denoël), disponible en poche chez Folio.
"Romain Gary, l'enchanteur" album de Myriam Anissimov (Textuel)
"La promesse de l'aube" de Romain Gary, illustrée par Joann Sfar (Futoropolis-Gallimard). En librairie le 3 avril 2014
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