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L'hommage romanesque de Lemaitre aux Poilus couronné par le Goncourt

La pluie tombait devant le restaurant Drouant, comme au début de "Nue". On y avait vu un signe, mais Bernard Pivot nous a vite détrompés, Toussaint n'aurait pas le Goncourt cette année. C'est Pierre Lemaitre et "Au revoir là-haut" (Albin Michel) son roman "populaire" sur l'après 14 qui a emporté le morceau. Ambiance au restaurant Drouant ce matin.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Pierre Lemaitre couronné par le Goncourt 2013 pour "Au revoir là-haut" (Albin Michel)
 (Thibault Camus/AP/SIPA)

Pierre Lemaitre a failli connaître le sort d'Albert Maillard au début de son roman : une mort par étouffement. Pas dans la vase d'un trou d'obus de la guerre 14, mais sous l'assaut démentiel de la meute des journalistes venus l'attendre devant le prestigieux restaurant Drouant, qui voit chaque année se dérouler dans une ambiance survoltée et joyeuse le rituel de l'attribution du Goncourt.

Pierre Lemaitre enseveli sous les caméras à son arrivée au restaurant Drouant
 (Laurence Houot / Culturebox)
"Je suis le plus heureux, des hommes", a déclaré le lauréat à son arrivée, avant d'entrer par une porte dérobée pour rejoindre le jury du Goncourt, décerné cette année après 12 tours de scrutin, par six voix contre quatre à Frédéric Verger pour son premier roman "Arden" (Gallimard).

C'est le parcours du combattant habituel (mais pire chaque année) pour atteindre la table des jurés et le couronné, et entendre ce qu'il a à dire sur sa récompense. D'abord il faut monter les escaliers entre photographes et caméramans déchaînés. En haut, ça coince devant la porte du salon rond : flashes, injonctions, onomatopées se font entendre, on se croirait au défilé Chanel, à la sortie du conseil des ministres ou sur les marches de Cannes. Les photographes veulent leur photo et n'hésitent pas à tutoyer le prix Goncourt pour capturer un sourire, un regard, une expression : "Pierre, par ici Pierre !", "Avec ton livre, Pierre ! "Regarde par ici ! A gauche, par ici Pierre!".

"Un roman populaire est un roman élitiste partagé par tous"

Quand enfin on a réussi à se glisser tant bien que mal jusqu'à Pierre Lemaitre, carnet de notes à la main, on peut l'entendre dire avec un calme étrange dans cette ambiance surchauffée : "Je suis très heureux. Ce prix est une récompense pour les hommes de 14. Je suis heureux car cela les met au premier plan dans la commémoration de centenaire, et c'est leur place naturelle". Pierre Lemaitre ajoute "qu'il n'a pas d'autre responsabilité que celle du romancier". Lemaitre se félicite aussi que le jury du Goncourt ait couronné, "un savoir-faire qui vient du polar, du roman populaire, et c'est une bonne nouvelle pour la littérature populaire".
Pierre Lemaitre au restaurant Drouant
 (Laurence Houot / Culturebox)
Mais déjà les membres du jury demandent aux journalistes de s'en aller. "Je ne veux plus parler d'autre chose que de coquilles Saint-Jacques", déclare Bernard Pivot pour demander gentiment aux journalistes de quitter la pièce.

Les portes se referment sur une jolie formule de Paule Constant pour écarter les polémiques sur le choix du roman de Lemaitre : "Un roman populaire est un roman élitiste partagé par tous".
 
Le Renaudot pour Moix : 1200 pages et plus

Sur le palier, Yann Moix explique en long et en large comment il prend sa récompense "On n'écrit pas  pour les prix, comme on préparerait le concours de Sciences Po, mais je me sens très heureux de faire partie d'une lignée d'écrivains, de Céline à Perec. Et comme je me place du côté des fous, je suis particulièrement heureux de recevoir le Renaudot qui est un prix qui digère les folies des écrivains."

L'écrivain explique la genèse de son roman fleuve, "Naissance" (Grasset, 1200 pages), né après un échec, celui de son film "Cinéman". "Cela m'a permis de me recentrer sur l'essentiel, et d'écrire ce livre", dit-il avant de se lancer dans l'analyse de "Naissance", roman offert au public comme une "expérience de lecture", une "œuvre non-linéaire", qui donnerait par moments l'envie au lecteur de le "jeter par la fenêtre", puis de le reprendre.
Yann Moix au restaurant Drouant
 (Laurence Houot / Culturebox)
"Un livre vivant", voilà ce que Yann Moix a voulu faire avec ce pavé de 1200 pages qui raconte l'histoire d'une naissance, la sienne. "Il faut arrêter de penser que la naissance est due seulement aux géniteurs", explique le romancier, qui estime être autant né de Peguy, Guitry ou Rosselini que de ses parents. Et ll n'a manifestement pas tout dit dans ce roman fleuve, car quand on quitte Drouant, il est toujours en train de parler, entouré d'une poignée de journalistes patients, consciencieusement occupés à prendre des notes…

Reportage dans une librairie et réaction de Frédéric Mitterrand sur le plateau du Grand Soir3

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