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Prix Renaudot 2020 : "Histoire du fils" de Marie-Hélène Lafon, une fresque familiale en forme de puzzle

La romancière Marie-Hélène Lafon creuse son sillon avec un nouveau roman sur l'histoire d'une famille ancrée dans la terre du Cantal.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La romancière Marie-Hélène Lafon à Barcelone pour présenter son livre "Nos vies", en mars 2020 (TONI ALBIR / EFE)

La romancière Marie-Hélène Lafon poursuit son œuvre avec un treizième roman, Histoire du fils (Buchet-Chastel), en librairie le 20 août 2020. Après Joseph (2014)  ou de Nos vies (2017), l'écrivaine nous embarque cette fois dans une fresque familiale, qui embrasse un siècle d'histoire.

L'histoire : elle commence par un drame le jeudi 25 avril 1908 à Chanterelle, petit village du Cantal. Armand, quatre ans, se réveille, impatient de rejoindre sa nounou Antoinette dans la cuisine, pendant que son frère jumeau, Paul, dort toujours. Ici la vie est rythmée par les lessives qui durent deux jours, les colères du père, la grande toilette du samedi soir, les dictons de la tante Margueritte et le carillon de la salle à manger, qui quand il sonne la demie de huit heures, autorise Armand à se lever. Dans la cuisine l'eau de la lessive a été mise à bouillir. Quand Armand descend se jeter dans les jambes d'Antoinette, l'élan de ce début de journée "s'achève dans un cri déchiré qui réveille Paul".

C'est ensuite à André que l'on s'attache, le fils né de Paul encore mineur, avec Gabrielle, de 20 ans son aînée, l'infirmière du lycée d'Aurillac où il est pensionnaire. André, enfant "lumière", est élevé à Figeac avec ses cousines par sa tante Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari Léon. André ne sait rien de son père et ne voit sa mère biologique qu'une seule fois par an, pendant l'été, quand elle descend de Paris…

Façon puzzle

Marie-Hélène Lafon remonte le fil de cette histoire familiale. Dans une balade entre les générations avec des sauts de puce dans le temps, la romancière s'attache à recoudre par le récit une filiation rompue aux origines. Même si André a trouvé le bonheur auprès de sa famille d'adoption, il faudra plusieurs générations, comme souvent, pour faire sauter les verrous et recoller les morceaux d'une histoire encombrée de silences, et "labourée" par le "jumeau supplicié".

Marie-Hélène Lafon boucle la boucle. L'histoire s'achève là où elle a commencé, à "Chanterelle, Cantal, pays perché, pays perdu", cent ans presque jour pour jour après le drame qui l'a amorcée. Comme elle rassemblerait les pièces éparpillées d'un puzzle, la romancière recompose la carte de cette famille éclatée, avec en figure de proue, dessinée en creux, le portrait de Paul, fils survivant, père absent, homme intrigant. 

Comme à son habitude, Marie-Hélène Lafon inscrit son histoire dans la chair et dans la terre. Les sentiments et les états d'âme des personnages se lisent dans les corps, dans les sensations qui les traversent, dans les gestes et les objets du quotidien, l'odeur d'une confiture, la chaleur des chaussons tricotés par une mère, une date sur une pierre tombale… et aussi dans les paysages qui les habitent. L'écriture de Marie-Hélène Lafon est dense, ici encore majestueusement travaillée comme une terre.  

Couverture de "Histoire du fils", de Marie-Hélène Lafon, août 2020 (Buchet-Chastel)

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel – 176 pages – 15 €)  

Extrait :

"Mourot patrouille dans les rangs, il ne sent pas bon. Paul hésite, beurre rance poireau vinegrette veille soupe, des relents de nourriture, les stigmates d'une vie étriquée, recuite et réchauffée." (Histoire du fils, page 29)

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