Cet article date de plus de dix ans.
Découvrez "Price", le beau premier roman de Steve Tesich enfin traduit en France
Publié en 1982 aux Etats-Unis, le premier roman de Steve Tesich, traduit pour la première fois en France aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, est un roman d'apprentissage empreint de poésie, l'histoire d'un jeune garçon dans la banlieue de Chicago dans les années 60, dont la vie se trouve bouleversée par la maladie de son père et l'arrivée dans son quartier d'une fille belle et mystérieuse.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'histoire : Daniel Price vit dans la banlieue de Chicago entre sa mère, une très belle femme - un fort caractère et un trait de superstition - originaire du Montenegro, et son père, un petit homme qui trimballe une tristesse dont on ne connait pas au début l'origine. La mère prend le train tous les jours pour aller travailler dans un hôpital de Chicago. Le père est ouvrier dans une fonderie de la ville. Daniel passe presque tout son temps avec ses amis le gentil Freud et le volcanique Larry, deux autres garçons de son âge.
Les trois inséparables copains ont à peine 18 ans, c'est bientôt la fin du lycée et ils ne savent pas quoi faire de leur vie à part se "cramponner les uns aux autres". Dans le coin il n'y a guère que l'usine comme horizon. Ils fantasment sur la plus jolie fille du coin, Diane, mais aucun d'entre eux n'a de petite copine. "Nous attendions qu'il se passe quelque chose. Comme pour ceux qui avaient eu leurs examens avant nous". Il y a aussi les livres, que Daniel ne choisit de lire que si la dernière phrase l'emballe.
En attendant les trois garçons traînent chez Madame Dewey, une presque trentenaire affublée d'un mari violent, qui aime fréquenter les lycéens, la seule grande personne de leur connaissance à "pas vraiment être une adulte", mais une femme mûre ayant une expérience de l'amour. "Son expérience dans un domaine où nous étions totalement ignorants, sa connaissance de ce mystère, nous donnait envie de la fréquenter. Peu lui importait que nous reluquions sous ses jupes ou dans son décolleté; au contraire, elle nous rendait ce spectacle accessible avec le plus grand naturel".
A la maison, Daniel adore écouter sa mère raconter des histoires de son lointain pays, mais il redoute les moments passés avec son père, morose, grincheux, plongé dans les mots fléchés du Sun Times et "sa tête toujours pleine de choses tristes". Une maison où sans qu'il sache pourquoi, un climat de guerre, de haine s'est installé.
Le père tombe gravement malade et c'est juste à ce moment-là que cette chose que Daniel attend, sans trop savoir de quoi il s'agit, finit par arriver : un bouleversement dans sa vie qui prend la forme de l'installation dans son quartier d'une fille avec son père. Rachel, c'est son nom, "cheveux noirs, teint mat, pommettes hautes" fume et porte des boucles d'oreilles turquoises. A peine aperçue elle se met à hanter l'imagination du garçon. Le voilà enfin, le bonheur (ou la tragédie) auquel il aspirait…
"Et je m'en allai par le monde"
Entre la mort qui rôde dans la maison avec la maladie de son père, et l'amour pour une femme qu'il ne comprend pas, de transports en désillusions, d'enthousiasmes en renoncements, Daniel fait une entrée précipitée dans l'âge adulte. Les frottements avec la vie et les épreuves qu'il traverse lui ouvrent les yeux sur un monde jusque là sans contours, le rendant enfin capable, son père enterré, son premier amour consumé, d'entrer dans sa propre vie, de réaliser son rêve le plus cher : "s'en aller par le monde".
Des phrases courtes, un récit ancré dans la réalité de l'Amérique des années 60 en même temps qu'empreint de poésie (le "dernier rempart contre les démons"), "Price" est un très beau premier roman d'initiation, une perle exhumée par les éditions Monsieur Toussaint Louverture, qui avaient déjà publié "Karoo", du même auteur, en 2012. A déguster, en ajoutant au plaisir de la lecture celui de tenir ce bel objet livre entre les mains ("Sa couverture est du loop Uncoated Antique Vellum de 290 grammes imprimé en offset, puis cogné typographiquement pour lui apprendre un peu la vie. Le papier intérieur est de L'Ambegraphic de 80 grammes"). Price Steve Tesich, traduit de l'anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson (Editions Monsieur Toussaint Louverture - 536 pages - 21.90 euros )
Extrait :
Je dormais, rêvant les mots que j'écrivais s'envolaient de la feuille pour pénétrer l'âme des gens que je connaissais. Le mot "aimer" se détacha du papier pour se loger dans le cœur de Rachel, où il se mit à briller.
Les trois inséparables copains ont à peine 18 ans, c'est bientôt la fin du lycée et ils ne savent pas quoi faire de leur vie à part se "cramponner les uns aux autres". Dans le coin il n'y a guère que l'usine comme horizon. Ils fantasment sur la plus jolie fille du coin, Diane, mais aucun d'entre eux n'a de petite copine. "Nous attendions qu'il se passe quelque chose. Comme pour ceux qui avaient eu leurs examens avant nous". Il y a aussi les livres, que Daniel ne choisit de lire que si la dernière phrase l'emballe.
En attendant les trois garçons traînent chez Madame Dewey, une presque trentenaire affublée d'un mari violent, qui aime fréquenter les lycéens, la seule grande personne de leur connaissance à "pas vraiment être une adulte", mais une femme mûre ayant une expérience de l'amour. "Son expérience dans un domaine où nous étions totalement ignorants, sa connaissance de ce mystère, nous donnait envie de la fréquenter. Peu lui importait que nous reluquions sous ses jupes ou dans son décolleté; au contraire, elle nous rendait ce spectacle accessible avec le plus grand naturel".
A la maison, Daniel adore écouter sa mère raconter des histoires de son lointain pays, mais il redoute les moments passés avec son père, morose, grincheux, plongé dans les mots fléchés du Sun Times et "sa tête toujours pleine de choses tristes". Une maison où sans qu'il sache pourquoi, un climat de guerre, de haine s'est installé.
Le père tombe gravement malade et c'est juste à ce moment-là que cette chose que Daniel attend, sans trop savoir de quoi il s'agit, finit par arriver : un bouleversement dans sa vie qui prend la forme de l'installation dans son quartier d'une fille avec son père. Rachel, c'est son nom, "cheveux noirs, teint mat, pommettes hautes" fume et porte des boucles d'oreilles turquoises. A peine aperçue elle se met à hanter l'imagination du garçon. Le voilà enfin, le bonheur (ou la tragédie) auquel il aspirait…
"Et je m'en allai par le monde"
Entre la mort qui rôde dans la maison avec la maladie de son père, et l'amour pour une femme qu'il ne comprend pas, de transports en désillusions, d'enthousiasmes en renoncements, Daniel fait une entrée précipitée dans l'âge adulte. Les frottements avec la vie et les épreuves qu'il traverse lui ouvrent les yeux sur un monde jusque là sans contours, le rendant enfin capable, son père enterré, son premier amour consumé, d'entrer dans sa propre vie, de réaliser son rêve le plus cher : "s'en aller par le monde".
Des phrases courtes, un récit ancré dans la réalité de l'Amérique des années 60 en même temps qu'empreint de poésie (le "dernier rempart contre les démons"), "Price" est un très beau premier roman d'initiation, une perle exhumée par les éditions Monsieur Toussaint Louverture, qui avaient déjà publié "Karoo", du même auteur, en 2012. A déguster, en ajoutant au plaisir de la lecture celui de tenir ce bel objet livre entre les mains ("Sa couverture est du loop Uncoated Antique Vellum de 290 grammes imprimé en offset, puis cogné typographiquement pour lui apprendre un peu la vie. Le papier intérieur est de L'Ambegraphic de 80 grammes"). Price Steve Tesich, traduit de l'anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson (Editions Monsieur Toussaint Louverture - 536 pages - 21.90 euros )
Extrait :
Je dormais, rêvant les mots que j'écrivais s'envolaient de la feuille pour pénétrer l'âme des gens que je connaissais. Le mot "aimer" se détacha du papier pour se loger dans le cœur de Rachel, où il se mit à briller.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.