"Avec toutes mes sympathies", récit bouleversant par Olivia de Lamberterie, de la perte de son frère
Le 7 novembre 2018, Olivia de Lamberterie arrive devant un parterre de journalistes. Derrière elle, une grande pancarte piquée du nom "Drouant" en lettres d'or, ornant un "Prix Renaudot" en capitales. Olivia de Lamberterie vient d'être couronnée du prix Renaudot Essai 2018 pour "Avec toutes mes sympathies" (Stock). La journaliste et auteure livre avec émotion ce qui l'a poussée à prendre la plume."C'est mon premier livre, un livre particulier car j'ai décidé de le faire après le suicide de mon frère. C'est à lui que je pense et il aurait été très heureux d'être le roi d'un jour et même le roi d'une année", confiait l'auteure.
Son premier livre primé offre un témoignage bouleversant : celui de la perte de son frère. En octobre 2015, Alexandre de Lamberterie met fin à ses jours en sautant d’un pont de Montréal. Le récit de l'auteure navigue entre ses souvenirs d'enfance, les derniers moments avant le drame et la terrible épreuve du deuil.
Un hommage à un frère "flamboyant"
"Ce livre était un moyen de dire l'homme flamboyant et merveilleux que mon frère était", explique Olivia de Lamberterie dans un sourire. De l'enfance à l'âge adulte, l'auteure raconte sa relation avec Alexandre, les moments partagés et l'éloignement lors de son déménagement à Montréal.Ce dernier, qu’elle décrit comme un homme généreux et fantasque, reste aux prises avec un mal être que les médecins mettront du temps à nommer : la dysthymie, une forme de dépression chronique. Sur le papier, rien ne cloche : un poste de directeur artistique à Ubisoft, une femme aimante, Florence, et une fille Juliette, une vie tranquille à Montréal... Pourtant, "le désespoir sans objet le tuait à petit feu, sa culpabilité nourrissait l'impuissance de jouir de ce qu'il avait construit : un amour durable, une famille harmonieuse et un travail somme toute satisfaisant."
"Alex a disparu"
En vacances à Cadaqués, Olivia reçoit un appel paniqué de Florence : "Alex a disparu". Le pire est imaginé, car Alexandre a déjà tenté de mettre fin à ses jours quelques années plus tôt. Olivia saute dans un avion pour le Québec. "Je me suis persuadée que je retrouverais mon frère, quelque part dans un hôpital de Montréal, mes tongs aux pieds. J'allais l'engueuler : 'Merde, pourquoi tu te suicides toujours pendant les vacances ?'"Le récit alterne entre passé et présent. Passé : retracer le destin de ce frère haut en couleur, dont la mélancolie chronique aura raison de l'envie de vivre. Présent : comment supporter l'absence ? Le lecteur suit la soeur sur un chemin de pensée interrogeant les origines du drame : "Est-il né malheureux mon frère, ou l'est-il devenu, happé par ses propres malheurs et une existence jugée insupportable"?
"Je voulais garder mon frère mort bien présent dans ma vie"
A travers son histoire, Olivia de Lamberterie raconte son refus du deuil. "Tout ce que j'ai voulu écrire dans ce livre, c'est que je ne voulais pas faire mon deuil et que je voulais garder mon frère mort bien présent dans ma vie", indiquait l'auteure lors de la remise du prix. Ecrire, donc, pour guérir du chagrin mais pas pour oublier. "J'ai l'impression que ce livre lui donne un petit supplément d'âme et un petit supplément de vie", expliquait-t-elle."Avec toutes mes sympathies" est un récit raconté à la première personne, une confidence mélodique et poétique. La naissance d'une nouvelle plume ? L'auteure nous a confié qu'elle travaillait déjà sur une deuxième livre : "J'ai commencé tout de suite un nouveau livre après avoir fini celui-là, un peu pour mettre le chagrin à distance et peut-être aussi pour me prouver qu'il y en aurait d'autres", expliquait-elle.
Avec ce témoignage, Olivia de Lamberterie signe un récit juste et bouleversant, une ode à la vie invitant à s'obstiner dans le bonheur même dans les moments tristes. "Comme mon frère était très festif, je vais faire une énorme fête pour célébrer ce prix", concluait l'auteure le 7 novembre.
"Avec toutes mes sympathies", Olivia de Lamberterie
(Stock- 256 pages - 18,50 euros)
Extrait :
Je voudrais tellement savoir où tu es. Juste pour être sûre que tout va bien. Alors, avec ton bonnet bleu marine en cachemire sur la tête, pour me donner une illusion que nos cerveaux se touchent, j'écris afin de retrouver ta trace dans un ciel de traîne. Nous nous sommes quittés, moi en perfecto et toi dans une boîte partant au feu (…) Où es-tu mon grand-frère terrible ? Pas loin mais pas là. Pas là mais pas loin. J'aimerais t'imaginer directeur artistique du paradis, buvant des coups avec un bon Dieu joufflu, chauve et barbu, sorti d'un paradis du commerce comme sur les dessins de Jean Effel dont nous regardions les albums chez grand-père Serge, lorsque nous étions enfants."
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