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"Le bal des folles", un premier roman fort de ses personnages signé Victoria Mas

La primo-romancière signe un roman riche et inspiré sur les internées de la Pitié Salpêtrière, symbole de l'oppression des femmes au XIXe siècle. 

Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
La primo-romancière Victoria Mas signe Le bal des folles.  (Astrid Di Crollalanza)

Le bal des folles (Albin Michel) est le premier roman de Victoria Mas, auteure de cinéma et fille de la chanteuse Jeanne Mas. Un belle première fois pour la romancière qui a été couronnée du prix Première plume, du prix Stanislas et figure dans la première sélection du prix Renaudot.

L'histoire s'ouvre à Paris, en mars 1885. Louise est ce qu'on appelle une "aliénée". Elle est internée depuis trois ans à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, dans le treizième arrondissement de Paris. La jeune fille souffre de "crises d'hystérie" après avoir été victime d'un viol. Elle est l'une des patientes favorites du professeur Charcot, célèbre neurologue et chef du "service des hystériques".

Les folles en spectacle

Toutes les semaines, le médecin opère sur la jeune fille de spectaculaires séances d'hypnose pour animer ses cours publics qui "volaient la vedette aux pièces de boulevard". En parallèle, un grand événement agite les couloirs de l'hôpital : le bal de la mi-carême, surnommé le "bal des folles", se prépare. Le tout Paris y vient  pour voir valser ces "folles" craintes et fantasmées, déguisées pour l'occasion. Les internées attendent avec impatience cette soirée de gloire : "la perspective de ce bal costumé tranquillise le corps et apaise les visages. Il y a enfin quelque chose à espérer".

Alors que Louise se prépare pour la fête, Eugénie Cléry, jeune fille de bonne famille rêvant d'émancipation, tente de cacher à sa famille un lourd secret : elle peut communiquer avec les morts. Un don qu'elle tait pour une raison simple : en parler lui vaudrait un aller simple pour la Pitié Salpêtrière où elle serait internée pour hérésie. Le roman débute avec ces deux histoires parallèles qui vont finir par s'entremêler.

Des héroïnes fortes

Ce sont les personnages, Eugénie, Louise, puis Madame Geneviève, intendante de la Salpêtrière et idolâtre des médecins, qui habitent ce roman avec force. Attachantes, ces patientes de la Salpêtrière incarnent l'oppression quotidienne dont sont victimes les femmes de l'époque, celles qui osent un mot trop haut sont taxées d'hystérie. "Entre l'asile et la prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes". Le narrateur est externe mais suit à tour de rôle ces personnages animés pour certains de convictions, pour d'autres de doutes. L'intrigue tendue, dominée par le parcours d'Eugénie, happe le lecteur jusqu'à l'attendu "bal des folles" où tout se dénoue.

L'hôpital est érigé en symbole. Ancienne prison pour les "filles de joie", il constitue un enfer pour les "normales", car "chargé de fantômes, de hurlements et de corps meurtris". C'est aussi un lieu d'asile pour les marginales n'ayant plus leur place dehors. La plume de Victoria Mas habille richement le texte en couleurs, textures et sentiments. Le contexte historique est savamment contenu pour ne pas envahir le récit. Victoria Mas l'utilise seulement comme un décor au service de son imagination. Avec un scénario bien ficelé, l'auteure signe un beau premier roman, qui nous fait frémir au rythme des mésaventures des personnages. 

Couverture du livre Le bal des folles de Victoria Mas.  (Albin Michel)
"Le bal des folles", Victoria Mas (Albin Michel – 256 pages – 18,90 €)  

Extrait 

"Geneviève sent Louise nerveuse. L'adolescente marche tête baissée, les bras tendus le long du corps, le souffle rapide. Les filles du service sont toujours anxieuses de rencontrer Charcot en personne – d'autant plus lorsqu'elles sont désignées pour participer à une séance. C'est une responsabilité qui les dépasse, une mise en lumière qui les trouble, un intérêt si peu familier pour ces femmes que la vie n'a jamais mises en avant qu'elles en perdent presque pied – à nouveau."

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