"Ce prix, c'est inciter à la lecture autrement" : des jeunes jurés en plein "marathon" pour élire le Goncourt des lycéens 2020
Le Goncourt des lycéens, auquel participent 56 lycées, devait initialement être décerné le 26 novembre, mais le jour de proclamation a été repoussé à une date non encore fixée.
La lecture n'était pas toujours leur fort, mais les voilà propulsés jurés d'un prestigieux prix littéraire : si les élèves qui participent à la désignation du Goncourt des lycéens prennent à coeur cette responsabilité, c'est bien souvent qu'elle leur a permis de découvrir le plaisir de lire. Et pourtant, mettre en route ce projet avait tout du plan galère.
"Quand on leur a dit en septembre: 'Il faut lire 14 livres", on a pensé qu'ils allaient s'enfuir en courant", se remémorent Tania Gaudin-Lenz et Valérie Laurent, respectivement professeure de lettres et documentaliste au lycée Marchal de Molsheim (Bas-Rhin). "En fait non, ils y vont, ils ont tous pris plusieurs livres pendant les vacances de la Toussaint. On est étonnées par leur enthousiasme".
Séance vibrante avec les lycéens du #Goncourtdeslycéens ce matin, pour @FrainIrene avec @Fnac @AgenceLaBande @EditionsduSeuil @alina_gurdiel pic.twitter.com/KauIbXwq8m
— FISZMAN Nathalie (@FiszmanNa) November 5, 2020
"C'est comme si on m'emportait dans un monde parallèle"
Pour expliquer l'adhésion des élèves à cette aventure littéraire, une notion revient fréquemment : le plaisir de lire. Pas toujours présent quand il s'agit d'aborder les classiques inscrits au programme, il est beaucoup plus fort quand la lecture devient volontaire. "C'est vrai qu'en cours on a des contraintes, des évaluations, des exercices, il faut apprendre à faire une dissertation", concède Tania Gaudin-Lenz. "Ce prix, c'est inciter à la lecture autrement".
Le constat est partagé par les élèves. Inès, 16 ans, est intarissable sur Les Impatientes, roman de la Camerounaise Djaïli Amadou Amal qui aborde le sujet des mariages forcés, à travers les regards de trois femmes. "Il y en a une dans laquelle je me suis bien reconnue, du point de vue du caractère. Certaines réactions qu'elle avait, j'aurais pu les avoir : ça fait bizarre de se retrouver comme ça", explique la jeune fille blonde. "Ce livre, c'est comme si on m'emportait dans un monde parallèle".
Lola Lafon plus appréciée que Madame de la Fayette
La lycéenne prend son rôle très au sérieux et souhaite terminer "le plus de livres possible" parmi les 14 sélectionnés par l'académie Goncourt, et mis à la disposition de sa classe par la Fnac, le co-organisateur. Alors chaque soir, elle se consacre plusieurs heures à ces romans. Après Chavirer, de Lola Lafon, qui lui a "beaucoup plu", elle s'est attelée à Saturne, de Sarah Chiche, et ne compte pas s'arrêter là.
Cette envie de tourner les pages s'est installée beaucoup plus facilement que pour les lectures obligatoires du bac comme La princesse de Clèves, roman publié en 1678 par Madame de la Fayette, à présent relégué au fond de son armoire. "C'est pas que je n'aime pas lire l'ancien français, mais c'est moins agréable, on n'a pas le même point de vue parce qu'on n'est pas dans la même époque", estime l'adolescente. "J'ai du mal à m'identifier aux personnages".
Echanger avec les auteurs
Sa camarade Anaïs concède sans difficulté qu'elle n'aurait "jamais lu" à la Toussaint si elle n'avait pas été embarquée dans le concours. Mais la lycéenne a joué le jeu, ramené quatre ouvrages à la maison pendant les vacances, et passé des heures à bouquiner, en commençant par L'Anomalie, d'Hervé Le Tellier. "Elle nous a dit, à son père et moi : 'Il faut absolument que vous le lisiez, il est formidable ce livre"", se réjouit se Laurence Koebel, sa mère. "C'est la première fois qu'elle nous parle comme ça, je pense que c'est un livre qu'on pourra acheter".
Derrière ce "marathon de la lecture", le concours représente aussi pour ces élèves une opportunité rare de rencontrer des auteurs (en visio-conférence cette année), et démystifier un peu plus la littérature. "Pour eux un auteur, c'est un nom sur une couverture, c'est très abstrait, c'est quelqu'un du passé", relève Tania Gaudin-Lenz. Alors pouvoir dialoguer avec chacun des écrivains sélectionnés, "c'est vraiment leur rendre la lecture accessible".
Emmanuel Carrère interviewé par Nicolas Carreau lors des rencontres en ligne avec les lycéens pour le Prix Goncourt des Lycéens, pour son livre « Yoga », organisé par la FNAC et le ministère de l’Éducation Nationale sous la patronage de l’Académie Goncourt @NicolasCarreau @Fnac pic.twitter.com/uGPCvjPX00
— éditions POL (@editionsPOL) November 6, 2020
Au-delà de la classe d'option "Humanités, littérature et philosophie", la seule du lycée Marchal à participer au Goncourt des lycéens, la direction de l'établissement aimerait faire profiter les autres élèves, en filière général comme en filière technique, de cette expérience. "Nous allons valoriser leur travail en proposant une exposition, des comptes rendus, des lectures publiques", assure Christophe Lopatka, le proviseur adjoint. "L'objectif est que ça donne envie aux autres d'intégrer ce type de projet culturel, même si on ne leur demandera pas de lire les 14 oeuvres". Le Goncourt des lycéens, auquel participent 56 lycées, devait initialement être décerné le 26 novembre, mais le jour de proclamation a été repoussé à une date non encore fixée.
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