Mort de Frédéric Mitterrand : de "La Mauvaise vie" à "Brad", l'écrivain en cinq livres mémorables
Frédéric Mitterrand, qui s'est éteint à 76 ans jeudi 21 mars, a tout fait. Exploitant de salles, réalisateur, producteur, animateur de télévision, journaliste et homme politique, il était également écrivain, auteur d'une vingtaine de romans et récits.
De l'autobiographie à la fiction en passant par l'histoire, son œuvre est précieuse et d'une grande richesse. En 2018, il partage d'ailleurs sur scène son plaisir de la lecture au Studio Marigny en parcourant ses propres textes, dont Lettres d'amour en Somalie, Une adolescence et La Mauvaise vie, sa sulfureuse autobiographie romancée parue en 2005. Retour sur sa prose en cinq livres.
"Les Aigles foudroyés" : testament d'un grand narrateur
En 1997, paraît chez Robert Laffont dans la collection Tempus, Les Aigles foudroyés, livre éponyme du documentaire de Frédéric Mitterrand, diffusé par France 2, sur la chute de trois grandes dynasties impériales dominant l’Europe au début du XXe siècle : la Russie des Romanov, l’Autriche-Hongrie des Habsbourg et l’Allemagne des Hohenzollern. Elles seront emportées par "les horreurs de la guerre, la révolution russe de 1917 et enfin la défaite de 1918".
D’autres textes de ces émissions donneront lieu à des ouvrages, toujours édités par Laffont, à savoir Memoires d'exil (ceux des Roumanov notamment, 1999) et Un jour dans le siècle (2000), qui est une reprise de ses chroniques quotidiennes diffusées sur Europe.
"La Mauvaise vie" : l'autobiographie romancée
En 2005, Frédéric Mitterrand publie son livre sans doute le plus intime et le plus sulfureux chez Robert Laffont puisqu'il y évoque ses expériences de tourisme sexuel. Il explique sans ambages sa démarche quand on l'interroge sur la raison d'être de cet ouvrage : "Précisément parce que je ne suis pas vraiment serein. Avec les années qui passent, alors que ma vie s'est écoulée, et qu'il ne me reste plus peut-être autant de temps que je pourrais l'espérer pour faire des choses qui m'intéressent. Je n'ai plus envie de me contenter de faux-semblants, donc j'ai envie d'être honnête dans tous les domaines".
"Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves, m'excitent énormément, avoue Fréderic Mitterrand dans La Mauvaise vie. La profusion de garçons immédiatement disponibles me met dans un état de désir que je n'ai plus besoin de réfréner ou d'occulter", confiait-il. Ses confessions le rattrapent en 2011 alors qu'il est le ministre de la Culture de Nicolas Sarkozy. L'opposition réclame sa démission qu'il exclut. Il fait une mise au point, soulignant alors que son livre n'est "en aucun cas une apologie du tourisme sexuel" ni "une apologie de la pédophilie" tout en reconnaissant avoir commis "des erreurs".
"La Récréation" : ses années rue de Valois
Dans "La Récréation" (Robert Laffont), publié en 2013, Frédéric Mitterrand revient sur plus de 700 pages sur son passage rue de Valois. L'ancien ministre de la Culture y analyse au jour le jour l'épisode politique de sa vie. "Je suis devenu ministre par surprise. J’ai essayé de faire mon boulot le mieux possible et peut-être pas trop mal, puisque j’ai tenu trois ans [2009-2012] alors que ce n’était pas gagné au départ. J’ai raconté cette histoire bien sagement et sérieusement dans un bouquin qui a ennuyé tout le monde, Le Désir et la chance". Il revient donc avec un autre livre plus personnel sur son passage au ministère de la Culture. Une "aventure" qui lui a plu parce qu'il a "pu sauter dans la cage aux lions et observer leur férocité, leurs grognements et leurs faiblesses". "Ce fut à la fois dangereux, excitant et amusant car je n’étais pas dompteur de profession mais aussi bien décidé à ne pas me faire manger", résumait-il.
"Mes regrets sont des remords" : l'autre l'examen de conscience
Dans cet ouvrage publié en 2017, toujours chez Robert Laffont, l'ancien ministre de la Culture se livre à un examen de conscience sur "les choses pas très bien" qu'il a pu faire dans sa vie. "J’ai certainement été imprégné par la morale chrétienne enseignée durant mon enfance et l’idée du jugement dernier ne m’est pas étrangère. Mais ce n’est pas l’essentiel et même si j’avais été épargné par une telle éducation, je sais que je n’aurais jamais oublié ce que je regrette aujourd’hui, et toujours un peu plus au fur et à mesure que s’approche la fin de mes jours", écrit-il.
"Brad" : pour le plaisir
"Je reconnais qu’après avoir écrit deux ouvrages historiques, 1938, L’Œil du cyclone et Napoléon III et Victor Hugo, le duel, un livre sur Brad Pitt peut sembler plutôt insolite", admettait-il à la parution de l'ouvrage chez XO l'année dernière. Mais j’ai toujours beaucoup écrit sur le cinéma, et la plupart de mes émissions de télévision s’apparentaient à des films biographiques qui faisaient référence à des mythes et à des étoiles du 7e art".
Pour Frédéric Mitterand, "le moment fondateur du mythe (Brad Pitt), s'il existe", est le film Thelma et Louise, la première fois où découvre le comédien. "Je compare cette apparition à celle de James Dean", confiait-il au Point à la sortie de l'ouvrage. Le projet consacré à l'acteur américain est né d'"une déception", poursuivait-il, liée à son livre précédent, Quai 38. "Ce fut une déception telle que j'ai eu envie de me faire plaisir, d'écrire sur une personne que j'aime. J'ai pensé à mon meilleur copain mort quand j'avais 18 ans. Il me faisait penser à Brad Pitt. Je vis dans le culte du vrai garçon, un homme pas 'pédé' mais 'gay friendly', qui serait doté d'une sensibilité, d'une intelligence, avec un côté aventureux… Il n'y en a pas beaucoup et Brad, je suis sûr qu'il est un vrai garçon".
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