Mort d'Harold Pinter : le théâtre perd un géant
A elle toute seule, l'oeuvre d'Harold Pinter pourrait presque garnir tous les rayons d'une librairie. Romancier, scénariste pour le cinéma et lui-même metteur en scène, cet artiste engagé est surtout connu comme un géant du théâtre contemporain, à l'égal de l'Irlandais Samuel Beckett.
_ Il s'est éteint chez lui, à Londres, à 78 ans, des suites d'un cancer, dont il souffrait depuis 2002.
Auteur d'une trentaine de pièces de théâtre, d'une quinzaine de romans et de recueils de poésie, Harold Pinter était le fils d'un tailleur pour dames juif d'un faubourg de Londres. Marqué dans sa jeunesse par l'antisémitisme et le blitz (les campagnes de bombardements allemandes sur l'Angleterre, qui l'obligeront à fuir la capitale), il s'est nourri de ces expériences tout au long de ses écrits.
Homme de théâtre
Il monte sur les planches dès l'enfance et se lance à 21 ans dans une carrière de comédien, spécialisé dans les pièces de Shakespeare, jusqu'à la publication de sa première pièce, The room (La Chambre), en 1957. Suivront d'autres pièces, dont The birthday party (L'Anniversaire), écrites pour le théâtre ou pour la radio.
Il connait son véritable premier succès public en 1959, avec The Caretaker (Le Gardien), qui sera adapté en 1963 au cinéma. La pièce le lance sur grand écran. Ses plus grands succès y seront les scénarios de La maîtresse du lieutenant français , d'après un roman de John Fowles et de L'Ami retrouvé , d'après le livre de Fred Uhlman, sorti en 1989.
Un procès pour Bush et Blair
Harold Pinter s'est aussi fait connaître pour ses prises de positions politiques, en faveur des Droits de l'Homme. Ainsi, en 1985, il dénonce la torture en Turquie au cours d'un voyage dans ce pays. Par la suite, il critiquera la campagne du Kosovo et le bombardement de la Serbie par l'Otan en 1999, et surtout la guerre en Irak. Il s'en prend violement à Tony Blair, le premier ministre britannique et à George Bush. Lors de son discours enregistré pour la réception de son prix Nobel en 2005, Pinter se livre à un réquisitoire en règle. Il y qualifie l'invasion de l'Irak “d'acte de banditisme” et s'attaque à la politique américaine. Il demandait la comparution de Tony Blair (“un idiot plein d'illusions”) et de George Bush (“un criminel de guerre”) devant la Cour pénale internationale.
Malgré son peu de goût pour le consensus, Harold Pinter collectionne les décorations. En plus du prix Nobel, il pouvait accrocher la Légion d'honneur à sa poitrine (depuis 207), ainsi que le titre de Commandeur de l'ordre de l'empire britannique.
Grégoire Lecalot, avec agences
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