Livre Paris : les religions s'invitent au Salon
Il est placé sous la bannière de la librairie La Procure, le nouveau Square Religions, Culture et Société du Salon du livre 2016, moquette bleu vif et tables bien garnies de toutes sortes de livres qui parlent de religion, de la Bible au Coran, en passant par des ouvrages pédagogiques pour la jeunesse, mais aussi des livres pour comprendre les religions et la place qu'elles occupent dans la société, ou bien encore des ouvrages sur la spiritualité. "L'idée était de donner une visibilité au phénomène religieux, de donner à réfléchir sur les rapports entre religion et culture", explique Bruno Nougayred, éditeur (Artège) et président du groupe religion au SNE (Syndicat national de l'édition), "et aussi faire connaître nos auteurs", ajoute-t-il.
"Nous souhaitons aussi insister sur le "s" de religions"
Toutes les religions sont représentées ici, chrétiens, musulmans, bouddhistes... "C'était vraiment important que soient représentées toutes les traditions religieuses", insiste l''éditeur. "On a noté une hausse des ventes des livres de ce secteur depuis les attentats", confirme-t-il. Entre 2014 et 2015, les ventes sont passées ainsi de 1,5 à 2 %, mais ces chiffres ne comptabilisent que les livres spécialisés, alors que toutes sortes de livres parlent du religieux sans être classés dans cette catégorie, par exemple une BD sur la vie de Jésus sera comptabilisée en BD, pas en religion, le dernier livre d'Emmanuel Carrère ("Le Royaume", POL), ou celui d'Eric-Emmanuel Schmitt ("La nuit de feu", Albin Michel) en sont également exclus. "La frontière entre religieux et profane est très ténue et il est donc très difficile de mesurer cette hausse. Mais elle est réelle", explique Bruno Nougayred.Il y a aussi l'effet pape François, qui dope le secteur. Son livre sur l'écologie a fait un carton, 200 000 exemplaires vendus. "Personne ne parie sur un livre sur l'écologie, et là, quand c'est le pape François qui s'empare du sujet, ça fait 200 000 exemplaires vendus. Tout ce qu'il touche, ça marche. Il y a un effet pape François, c'est très clair", explique Bruno Nougayred.
"Après les attentats, les gens veulent comprendre, et le livre est un bon outil"
"Depuis les attentats, on a vraiment noté un intérêt important des lecteurs", explique Mansour Mansour, des éditons Albouraq. "Après le 11 janvier, on a surtout eu une hausse très nette de la demande sur le Coran. Personnellement je ne conseille pas à ceux qui veulent mieux comprendre l'Islam de commencer par la lecture du Coran. Je les incite à plutôt à lire des ouvrages qui expliquent l'Islam, ou des biographies du prophète. Mais en tout cas quand un chrétien achète le Coran, je considère cela comme un signe d'ouverture", souligne l'éditeur, qui est aussi libraire. "Après le 11 janvier, poursuit-il, la demande a un peu changé, les gens voulaient plus des livres géopolitiques, voulaient savoir ce qui se passe là-bas. Mais en tous cas on sent un besoin de comprendre. Les gens se disent ce n'est pas possible. Ils discutent avec les voisins, qu'ils connaissent et se disent non je ne peux pas croire ça. Ils veulent comprendre. Et ils sentent, ils ont l'intuition que l'information donnée par la télévision ne suffit pas. Ils ont besoin de repères, et le livre est un bon outil. On peut se poser, revenir en arrière, discuter. Tout ça n'est pas possible avec la télé", explique-t-il."Vous êtes un pays tellement laïc !"
Sara feuillette des livres. "Cela m'intéresse, les religions, et le dialogue entre les religions", confie cette jeune femme allemande protestante. "J'étais contente quand j'ai vu qu'il y avait ce square au salon du livre. En France, vous êtes un pays tellement laïc, que j'étais agréablement surprise de voir cet espace ici au salon du livre", poursuit-elle. "C'est vrai que c'est aussi à cause de l'actualité que cela m'intéresse. J'aimerais comprendre, savoir ce que c'est que l'Islam. Beaucoup de personnes musulmanes viennent se réfugier ici en Europe, et je pense que c'est important de comprendre leurs croyances. Et c'est aussi un mouvement qui va apporter quelque chose à notre propre culture", conclut-elle."Quand on est un jeune musulman en France, on n'a pas beaucoup de moyens de s'informer sur la religion"
La veille, Tariq Ramadan est venu dédicacer son livre ici. Une longue file d'attente, et des gens qui n'étaient jamais venus au Salon du livre ont fait le pas. "Je trouve ça vraiment très bien, d'ouvrir des horizons à des gens qui ne se sentent pas autorisés, et qui ne viendraient jamais au Salon du livre pour cette raison", explique Mansour Mansour, directeur des éditions Albouraq. "Là on a vu des gens heureux, reconnaissants." C'est le cas de Saadi Boussaïdi, un étudiant en anglais de 24 ans. "Quand on est un jeune musulman en France, on n'a pas beaucoup de moyens de s'informer sur la religion. Moi je me pose des questions, et j'essaie de trouver des réponses. Et les livres de Tariq Ramadan me parlent. Je m'identifie et j'ai aussi découvert Edgar Morin grâce à lui", explique Saadi, avant de se faire dédicacer les deux livres qu'il a achetés, et faire une photo avec l'auteur."Il faut que les jeunes aillent eux-mêmes chercher l'information"
Un peu plus loin, une dame regarde les ouvrages pour les enfants. "Je suis enseignante dans une école privée catholique et je cherche des livres pédagogiques mais j'ai du mal à trouver des livres bien faits, simples, ludiques, pour les tout petits enfants", explique Kella Benamara. "Mais par contre je trouve ça très intéressant ce Square. Après tout ce qui s'est passé, les gens veulent comprendre. Je trouve ça vraiment intéressant que les gens, et surtout les jeunes, aillent eux-mêmes chercher l'information. Et cela passe par les livres, la lecture et le choix des bons livres. Il faut inciter les jeunes à aller s'informer sur l'Islam par exemple, et pas se limiter aux clichés ou aux informations des médias", souligne l'enseignante."Trop peu sur la laïcité"
Mathilde Chevalier et Nicolas Rividi sont venus là en curieux, et sont sceptiques. "Nous, on est militants LGTB (Fédération des Associations & Centres Lesbiens, Gays, Bi et Trans en France), on est venus voir par curiosité", explique Nicolas. "Je suis homosexuel et je voulais voir ce qui se fait dans le lobby religieux, et je ne suis pas surpris des contenus, de voir les outils pour véhiculer une pensée", explique-t-il. "Je trouve ça choquant de voir des livres pour les tous petits déjà", déclare Nicolas. "Je ne suis pas d'accord", lui répond Mathilde, "moi je suis athée et j'ai été élevée dans la religion catholique, j'ai eu ma Bible pour les enfants. Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant. Ça peut être une manière d'ouvrir sur l'histoire des religions." Mais elle regrette le peu d'ouvrages présents, sur cet espace, qui abordent la question de la laïcité.L'Islam est-il compatible avec la République ? La laïcité française est-elle défendable ? Y a-t-il encore des guerres de religions ? Quels chemins spirituels en dehors des religions ? Voilà les questions au programme des conférences proposées tout au long du salon sur la scène du square Religions.
Square Religions, Culture et Société
Livre Paris
Du 17 au 20 mars Porte de Versailles
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