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"Les oiseaux rares" d’Hugo Paviot : plongée dans un lycée pour élèves décrocheurs, à la rencontre de héros du quotidien

Dans un premier roman tendre, le dramaturge Hugo Paviot dresse le portrait d’écorchés de la vie. Au centre, la jeune Sihem, une décrocheuse scolaire, qui reprend ses études dans un microlycée et lutte pour s’en sortir.

Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Le romancier et dramaturge Hugot Paviot en janvier 2020.  (Bénédicte ROSCOT / Editions du Seuil)

Cinq personnages, cinq parcours de vie chaotiques qui s’entrecroisent. Dans Les oiseaux rares, premier roman du dramaturge Hugo Paviot, on rencontre d’abord Sihem. Franco-algérienne de 23 ans, elle étudie dans un microlycée, un établissement pour élèves décrocheurs situé en banlieue parisienne. Une dernière chance pour cette élève en difficulté, qui, de son enfance difficile, conserve un manque de confiance en elle et une colère sourde. "Elle n’a jamais été fière. Elle n’a jamais été capable de finir ce qu’elle a commencé. Elle a plein de projets mais elle ne va jamais au bout. Cette fois encore, elle ne sait pas si elle va y arriver."

Sihem loge à la résidence autonomie Auguste-Blanqui, au milieu de personnes âgées. Elle y rencontre Emile, alias "Zapata", 82 ans, au passé de révolutionnaire et aux illustres ancêtres. De l’autre côté de la Méditerranée, Achir est un jeune Algérien qui rêve d’ailleurs. Dans sa galerie de personnages, Hugo Paviot n’oublie pas les travailleurs sociaux, incarnés par Hélène, professeure de français au microlycée, et Rose, qui dirige la résidence.

Points de vue

Le roman débute par une série de portraits, où chaque individu se dévoile, partage ses états d’âme et ses espoirs. Le lecteur découvre, tour à tour, le monde à travers leurs yeux. Dans Les oiseaux rares, le romancier se fait discret : des phrases courtes rythment efficacement un récit sans pause. Voilà pour l'unité. Pour le reste, son style fluctue en fonction des personnages et le discours indirect mêle paroles et pensées. 

Ce changement constant de point de vue permet à chaque personnage de porter lui-même son histoire. Hugo Paviot place l’humain au centre de son texte. Le décor (réel) du microlycée de Vitry-sur-Seine, où l'auteur est intervenu pour animer des projets culturels, incarne la lutte contre le décrochage. Il est décrit comme un lieu où la bienveillance et l'adaptabilité remplacent les pratiques, jugées plus rigides, du système éducatif traditionnel.

A cela s’ajoutent plusieurs thèmes annexes : le poids psychologique du travail social, l’identité, la migration. Les oiseaux rares parle avant tout de solidarité. Chaque protagoniste est un héros ordinaire, qui lutte à son niveau pour plus de justice. Au début, chacun fait face à ses démons, mais c’est finalement quand les chemins se croisent, que naît l’entraide et que tout se dénoue.

Couverture du livre Les oiseaux rares d'Hugot Paviot (Editions du Seuil)

Les oiseaux rares, Hugot Paviot, (Seuil - 224 pages – 18 € - Disponible en livre numérique)

Extrait :

"Hélène explique que réussir, ça commence par venir en cours. Tu te rappelles ce que tu as répondu au questionnaire, le premier jour, quand on vous a demandé de décrire le microlycée ? On vous a demandé d'imaginer si c'était un sport. Sihem répond que non. Qu'est ce que tu dirais aujourd'hui ? Sihem réfléchit. Le rugby. C'est dur, on en prend plein la gueule, mais c'est un sport collectif. Hélène sourit. Tu avais répondu : le marathon. Parce que c'est dur et qu'on est tout seul. Sihem ne se rappelait pas avoir dit ça. Aurore enchaîne : Et quand on t'avait demandé si le microlycée était un paysage ? Sihem réfléchit. Aujourd'hui, je dirais... Un port. Parce qu'on peut partir, mais on peut aussi revenir se ravitailler. Hélène sourit une nouvelle fois. Tu avais répondu : un volcan. Parce que ça fait peur. Sihem leur répond qu'en fait, c'est elle, le volcan."

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