"Les Jeux olympiques de littérature" : en 1924, Paris organisait des épreuves artistiques et elles furent un échec

Inspiré par l'Antiquité, Pierre de Coubertin croyait essentiel d’associer écrivains et artistes à l'événement sportif. Le poète Louis Chevaillier fait le récit de ces olympiades manquées.
Article rédigé par Neil Senot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Bandeau du livre "Les Jeux olympiques de littérature" de Louis Chevaillier. (GRASSET / MUSEE GEO-CHARLES)

Il y a très exactement cent ans, un certain Géo-Charles remportait une médaille d'or aux Jeux olympiques de Paris. Cyclisme ? Natation ? Athlétisme ? Rien de tout ça. Le jeune Français arrive premier en littérature. Son œuvre Les Jeux olympiques, une pièce de théâtre mêlant danse, poésie et musique, s'impose auprès d'un jury composé de grandes figures littéraires. Un rapide quart d'heure de gloire avant de sombrer, comme de nombreux autres lauréats de la discipline, dans l'oubli.

L'essai Les Jeux olympiques de littérature, publié aux éditions Grasset le 13 mars dernier, retrace l'histoire des olympiades artistiques qui ont accompagné les Jeux d'été de 1912 à 1948. Créées à la volonté de Pierre de Coubertin, ces épreuves n'ont jamais rencontré le succès.

L'échec de Coubertin

Pierre de Coubertin, qui a remis les Jeux olympiques sur pied dix ans auparavant, entend faire revivre l'esprit antique. En 1906, le baron affirme sa volonté d'organiser des épreuves de littérature, de peinture, d'architecture, de sculpture et de musique afin de faire des olympiades "plus que de simples championnats du monde". Les œuvres présentées doivent ainsi mettre le sport en valeur, faire les louanges des sportifs.

Participants en faible nombre, productions médiocres, médailles non attribuées ou décernées pour des raisons moins nobles que la qualité de l'œuvre... Lancées à Stockholm en 1912, ces nouvelles épreuves se soldent par un premier échec. En 1920, à Anvers, le schéma se répète.

Alors que les Jeux sont organisés à Paris en 1924, Pierre de Coubertin espère un véritable engouement autour des épreuves artistiques. Il réunit un jury prestigieux au sein duquel siègent Paul Claudel, Paul Valéry ou encore Anna de Noailles. Mais la qualité du jury ne fait pas celle des compétiteurs. Avec précision et humour, Louis Chevaillier plonge dans les archives de ces olympiades et fait des carnets de comptabilités aux extraits des œuvres en compétition, le récit d'un échec.

Un panorama olympique

En retraçant le bref parcours des olympiades culturelles, Louis Chevaillier offre un regard transversal sur l'histoire des Jeux. Chaque chapitre aborde un sport différent et revient sur des grandes figures de l'époque. Un boxeur français qui mord un Britannique, un nageur devenu mannequin pour sous-vêtements... Du casting pour Tarzan (un certain Johnny Weissmuller) aux épreuves antiques (parmi lesquelles un concours de flûte), l'essai est également traversé par des anecdotes réjouissantes.

Aux côtés de ces remarques allègres, Louis Chevaillier met un point d'honneur à évoquer les fondements racistes et misogynes des Jeux olympiques modernes. Il rend compte de l'idéologie viriliste de Pierre de Coubertin et met en lumière différents événements, notamment des tournois de sport féminin, traités avec dédain, et des jeux instaurés par des syndicats de travailleurs, qui naissent en opposition aux Jeux olympiques officiels.

L'auteur aborde par ailleurs en filigrane les problèmes d'organisation et les conflits autour de l'édition parisienne de 1924. "Changez les noms et les dates et vous aurez l'impression de lire Le Parisien de ce matin sur les Jeux olympiques à Saint-Denis", écrit Louis Chevaillier. Un avant-goût de 2024 ? Peut-être, mais la première place en littérature, pour n'avoir jamais été étincelante, est désormais inatteignable.

Couverture de l'essai "Les Jeux olympiques de littérature" de Louis Chevaillier. (GRASSET)

"Les Jeux olympiques de littérature" de Louis Chevaillier (Grasset, 266 pages, 20 euros).

Extrait : "Ce poète oublié fut le vainqueur du concours de littérature avec sa pièce Jeux olympiques. Les polémiques autour du paradis à l'ombre des épées ont-elles lassé les jurés ? Ont-ils voulu récompenser un livre moins célébré, pas encore publié ? Aux dissertations guerrières de Montherlant, ils ont préféré une apologie de la paix ; à son classicisme revendiqué, un art de l'image héritier des symbolistes : la veine Cocteau, cette autre grande source d'inspiration de la génération de l'entre-deux-guerres.
Cette victoire française s'ajouta aux treize médailles d'or remportées par les tricolores en cyclisme, en escrime, en haltérophilie... La France ne remporta pas d'autre épreuve artistique. Aucun titre ne fut attribué en architecture et en musique. Aux côtés du Grec Dimitriadis en sculpture, un artiste luxembourgeois, Jean Jacoby, gagna le concours de peinture." ("Les Jeux olympiques de littérature", pages 220-221)

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