"Les Amazones de la République" de Renaud Revel: Harlequin à l'Elysée
L’auteur a des infos. Certes, il en compile aussi beaucoup, n’oubliant pas une miette de tout ce qui a été écrit ou suggéré par d’autres avant lui (et ce type de littérature a généré beaucoup de vocations ces dernières années). Mais incontestablement, il y a du boulot derrière ces 320 pages-annuaire de l’adultère présidentiel. Et un sacré casting. D'un côté : journalistes politiques, stars de la télé. De l'autre : les présidents, leurs conseillers et leurs cours, leurs "facilitateurs", hommes et femmes de l'ombres, et leurs familles. Bref, une partie non négligeable des "élites" de ce pays.
4 présidents, 4 séducteurs
Chaque époque a sa couleur. Les années Giscard amènent leur grain de folie. Le jeune président aime séduire et ne s’en prive pas. Les anecdotes célèbres fleurissent, l’affaire de l’accident matinal avec un laitier en est la plus célèbre. On croise des actrices, des journalistes, qui émoustillent celui qui, bien des années plus tard, écrira son émoi pour Lady Di.
Mitterrand, c’est autre chose. Sa culture, sa finesse font de lui un très grand séducteur. Doublé d'un stratège. Qui ne renonce jamais. Renaud Revel nous raconte par le menu les invitations à Latche, le rituel amoureux, quasiment sous les yeux de son épouse. L’âge et la maladie ne calment pas les ardeurs de cet homme à femmes, capable de brouiller les pistes et de mener de nombreuses relations parallèles.
Arrive l’ère Chirac, souvent présenté comme un hussard (le fameux « 10 minutes, douche comprise ») fasciné par les jolies journalistes, mais aussi prêt à tout quitter pour une grande passion amoureuse. Revel décrit des scènes incroyables, la grande insouciance de l’époque, où l’on réserve des hotels de luxe dans les Caraïbes pour des réunions prétextes à d’interminables fêtes…
Et puis, les années Sarkozy… Et leur transparence. Pour la première fois, on suit en direct ou presque le parcours amoureux d’un président. Quitté, et repris. Qui congédie la journaliste qui avait remplacé Cécilia, avant de reperdre cette dernière… et de rencontrer Carla, sous le parrainage bienveillant de Jacques Séguéla. Enfin, François Hollande, que Revel expédie en quelques pages, n’ayant rien trouvé de croustillant à son sujet.
Cinq à sept présidentiels
Encore une fois, on peut lire tout ça de plusieurs façons. Ce ballet de courtisanes croisant de réelles amoureuses a des côtés romanesques. Et une dimension politique incontestable. L’appétit sexuel de ceux qui nous gouvernent permet de comprendre certains aspects de leur comportement. On pourra trouver ça insupportable, d’autant que la machine de l’Etat est souvent sollicitée pour organiser les 5 à 7 présidentiels… L’argent public a aussi servi à ça !
Dommage que Renaud Revel se soit senti obligé de se lancer dans de lourdingues envolées lyriques pour raconter ces secrets d’alcôves. Avec lui, un avion est forcément un « oiseau d’acier », il y a des brasiers qui consument les cœurs toutes les dix pages et lorsque Anne Fulda est abandonnée par Nicolas Sarkozy, il faut supporter cette « histoire d’amour qui s’évidait sous ses yeux, emportée par un torrent où bouillonnait le désespoir ». Harlequin à l’Elysée. Sans compter les tics du microcosme parisien : si une journaliste collabore au Télégramme de Brest, l’un des meilleurs quotidiens régionaux, elle court forcément le risque de « croupir le restant de sa vie dans les soupentes d’une feuille de choux au fin fond de l’Hexagone ». Un regard très vieille France, pour le coup.
"Les Amazones de la République" de Renaud Revel (First Document) - 320 pages - 19,95 euros
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