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“Le bonheur est au fond du couloir à gauche” : un nouveau roman hilarant de J.M. Erre

Cet auteur, humoriste, qui a déjà publié sept romans, récidive avec un huis-clos absurde et loufoque. Collaborateur de Fluide Glacial et de l’émission Groland sur Canal plus, il en importe la veine humoristique en littérature : pari réussi.  

Article rédigé par Carine Azzopardi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'écrivain J.M. ERRE (PHILIPPE MATSAS / PHILIPPE MATSAS)

Jean-Marcel Erre, qui signe ses romans J. M. ERRE, est une curiosité dans le paysage littéraire français. Il a écrit des polars, des romans, des nouvelles, chacun narrant des histoires très différentes, mais toujours avec ce même style rythmé et entraînant, et cet humour décalé “à la Houellebecq”, dont il se revendique. Le bonheur est au fond du couloir à gauche n’y déroge pas. Les éclats de rire, tant les mots sur l’absurdité de notre époque font mouche, sont au rendez-vous. Le bonheur est au fond du couloir à gauche est paru le 7 janvier 2021 aux éditions Buchet-Chastel.

L’histoire est simple : Bérénice quitte l’auteur, au bout de trois semaines de vie commune. Celui-ci se donne 24 heures pour reconquérir la femme de sa vie. Pour arriver à ses fins, il va employer tous les moyens à sa disposition, en suivant les indices que sa bien-aimée lui a laissés : des livres de développement personnel, qu’il va prendre au pied de la lettre.  

Il faut dire que l’auteur est un jeune d’aujourd’hui, un peu paumé dans un monde qui frise l’absurde et auquel il n’est visiblement pas adapté. “Je suis né le jour du déclenchement du génocide rwandais. J’ai été baptisé la veille du massacre de Srebrenica. Mon premier mot, prononcé alors qu’on annonçait la mort de François Mitterrand à la télévision, a été “Prozac”. J’ai eu mon premier chagrin d’amour le 11 septembre 2001. J’ai fait ma scolarité à l’école primaire Anne-Franck, au collège Guy-Môcquet et au lycée Jean-Moulin. Pour compenser, j’ai emménagé il y a quelques années rue de la Gaîté. Pour l’instant, ça ne marche pas trop.” 

Toutes les angoisses existentielles y passent 

Depuis son appartement, notre homme va tout tenter pour faire revenir son amoureuse, y compris et surtout se raconter des histoires en avalant des Lexomil, tout en piétinant bruyamment sur son palier, ce qui entraîne l’apparition presque immédiate et systématique de son voisin, Mr Patusse, le deuxième personnage du roman. Un voisin de palier qui résume tous les voisins pénibles à lui seul.   

Bérénice peut-elle revenir ? Pourquoi au juste est-elle partie ? Toutes les angoisses existentielles y passent. Outre les cachets et les livres de développement personnel, le jeune homme a une botte secrète : écouter les discours du Président Macron sur internet. Des discours qui produisent leur effet : “Je suis regonflé à bloc. Aucun obstacle ne peut arrêter une force en marche. Emmanuel l’a dit. Moi aussi, je suis capable de faire bouger les lignes, d’accomplir mon projet, de réaliser mon rêve. Des années que j’y pense sans trouver le courage de me lancer. Après vingt-cinq ans de vie en forme de malentendu, l’heure est venue de poser un acte fort.
Cette fois, c’est décidé : je vais me suicider.”
  

Que les lecteurs se rassurent, un suicide sera encore trop compliqué pour ce professionnel de la procrastination, et de nombreuses aventures vont continuer de rythmer la journée de notre personnage. 

Une quête de sens désespérante, et hilarante 

J. M. ERRE tient son récit et excelle dans cet art de la narration loufoque et totalement déjantée. Tous les travers de notre absurde époque y sont décrits, dans une quête de sens qui à force d’être désespérante en devient hilarante. Effet final : un franc éclat de rire, qui remise les Xanax et autres Lexomil au placard au moins le temps de la lecture.  

Couverture de "Le bonheur est au fond du couloir à gauche", de J.M. ERRE (Editions Buchet-Chastel)

Extrait : “Je m’allonge dans mon canapé et reprends les livres de Bérénice là où je me suis arrêté : donc Comment sortir de la mycose de l’ongle (la base), Le bonheur est dans votre assiette, Le bonheur est dans votre jardin, Le bonheur est dans vos toilettes, Le bonheur, c’est quand tu crois que ta deuxième vie est finie alors que la première n’a pas commencé (et vice versa), Le bonheur est un papillon chamarré qui se pose sur ton épaule, le vois-tu ?Le Bonheur par les plantes et Le Bonheur par les desserts très sucrés.  
Nos livres reflètent nos âmes. Me suis-je suffisamment intéressé à Bérénice ? Ai-je essayé de comprendre le cœur assoiffé d’idéal qui battait derrière sa névrose ? Je me suis montré beaucoup trop autocentré au lieu de partager ses passions qui s’expriment si bien dans les titres de sa bibliothèque. Pour reconquérir mon amour, je dois me plonger dans son univers, me mettre dans ses pas, ne faire plus qu’un avec ses préoccupations, vivre ce qu’elle vit pour comprendre qui elle est.  
L’objectif est clair : je dois attraper une mycose.“ 

 Le bonheur est au fond du couloir à gauche, de J. M. Erre, est paru aux éditions Buchet-Chastel le 7 janvier 2021, 192 pages, 15€.  

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