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Joachim Schnerf reçoit le prix Orange du livre pour "Cette nuit"
Le jeune romancier Joachim Schnerf a reçu jeudi le prix Orange du livre pour "Cette nuit" (Zulma), récit vibrant sur la mémoire, la famille et le deuil, raconté par un vieil homme, rescapé des camps, juste avant la célébration de la Pâque juive.
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Pour Salomon cette nuit de Pessah ne ressemble à aucune des précédentes. Sarah, sa femme tant aimée, n'est plus, emportée deux mois auparavant par un cancer. Ce sera pour la première fois depuis 50 ans une fête de Pessah sans Sarah.
Le souvenir des fêtes passées
Avant l'arrivée des siens, ses filles Michelle et Denise (qui ne se supportent pas), leurs maris et leurs enfants, Salomon se souvient des fêtes passées. Il y a des souvenirs tendres, les disputes familiales homériques devenues cocasses avec le temps, le bonheur ordinaire d'une famille juive française même si, omniprésente, plane l'ombre de la Shoah.De cette douleur, Salomon, déporté à Auschwitz avec ses parents quand il était encore un enfant et seul de sa famille à avoir survécu à l'enfer sur terre, préfère ne jamais en parler. Sauf quand il lance des blagues sur les camps qui mettent invariablement ses proches mal à l'aise. L'humour, nous rappelle subtilement Joachim Schnerf, 31 ans, est la politesse du désespoir.
Quand Salomon retrouve ses amis rescapés (les seuls qui comprennent ses blagues douteuses), il se souvient que "nos peurs les plus profondes se mélangeaient à nos larmes railleuses, nécessaires". Comment ne pas rire de cette anecdote dont se souvient Salomon ? A une fête foraine avec ses filles alors âgées de 8 et 7 ans Salomon gagne deux poissons rouges. Les filles se disputent pour savoir quel nom donner aux poissons.
"C'était moi qui les avait gagnés et j'étais donc en droit de les nommer", se souvient le vieil homme. Quand Sarah rentre chez elle, ses filles lui présentent les poissons : "Maman voici Goebbels et Goering, ils sont frères."
Une réflexion sur le travail de deuil
"Sarah se décomposa puis hurla : 'Salomon !'", poursuit le romancier dont on ignore s'il s'est inspiré de sa propre histoire familiale (il est originaire de Strasbourg comme ses personnages) pour tisser son récit.Dans la tradition juive, la fête de Pessah (qui commémore la sortie d'Égypte) est une fête de la transmission. Ce n'est évidemment pas un hasard si Joachim Schnerf a choisi ce moment particulier pour situer son histoire qui peut se lire aussi comme un hommage à l'amour conjugal et une réflexion sur le travail de deuil.
Sorti au début de l'année, "Cette nuit" (Zulma) est le deuxième roman du jeune écrivain, par ailleurs éditeur de littérature étrangère chez Grasset.
Le prix Orange du livre récompense, depuis 2009, une oeuvre de fiction écrite en français et publiée entre le 1er janvier et le 31 mars de l'année en cours. Il est doté de 15.000 euros.
L'an dernier, le prix avait été attribué au romancier haïtien Louis-Philippe Dalembert pour "Avant que les ombres s'effacent" (Sabine Wespieser).
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