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Après le bleu, le noir, le vert et le rouge, Michel Pastoureau raconte l'histoire du jaune

Michel Pastoureau poursuit son histoire des couleurs, en publiant un livre consacré au jaune

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'historien spécialiste des couleurs, Michel Pastoureau (ici en janvier 2018 à Milan), publie "Jaune, histoire d'une couleur" (Leonardo Cendamo / Leemage / AFP)

L'historien Michel Pastoureau, spécialiste des couleurs mais aussi des emblèmes et du bestiaire, publie jeudi Jaune, histoire d'une couleur (Seuil), le dernier volet de sa fameuse série sur l'histoire des couleurs.

Le jaune, couleur "bénéfique" dans l'Antiquité avant de devenir "équivoque" au Moyen-Âge puis "mal-aimée" à partir du XVIe siècle, est revenu sur le devant de la scène avec le mouvement des "gilets jaunes".

Le jaune fait son retour en politique


"Le jaune, couleur qui se voit et qui, comme le gilet, signale un danger, habille dans ce mouvement les 'oubliés de la République' en perdition sociale et fiscale", estime Michel Pastoureau. On peut se poser des questions sur son retour en politique. "Comment choisir pour emblème une couleur associée aux idées de mensonge et de trahison?", s'interroge l'historien âgé de 72 ans.

Mais les choses sont en train d'évoluer, note-t-il. En Allemagne, le Parti libéral a choisi la couleur jaune comme emblème, tout comme en Italie le Mouvement 5 étoiles. "Non pas tant parce que cette couleur demeurait la seule disponible (...) mais parce que c'était une couleur 'qui se plaçait hors du système'", souligne l'historien. "En politique, le jaune, longtemps rejeté, semble donc se réveiller", affirme l'historien qui ne tranche pas pour savoir s'il s'agit de "turbulences éphémères ou le début d'une véritable lame de fond".


"Si définir la couleur n'est pas un exercice facile, définir ce qu'est le jaune l'est moins encore", dit-il. "Dire qu'il s'agit de la couleur du citron, du safran, de l'or, des blés mûrs -comme on le lit en général dans les dictionnaires - n'est pas faux, mais ne constitue pas vraiment une définition".

Dans l'Antiquité, le jaune était presque sacré

L'historien a divisé son livre (240 pages, 39 euros), abondamment illustré, en trois grands chapitres : des origines au Ve siècle, du VIe au XVe siècle et du XVIe au XXIe siècle. Les peuples de l'Antiquité, rappelle-t-il, voyaient dans le jaune une couleur presque sacrée, celle de la lumière, de la chaleur, de la richesse et de la prospérité. Les Grecs et les Romains lui accordaient une place importante dans les rituels religieux, tandis que les Celtes et les Germains l'associaient à l'or et à l'immortalité.

Le déclin date du Moyen-Âge qui en fait une couleur ambivalente. C'est alors la couleur du mensonge, de l'avarice, de la félonie. C'est la couleur, insiste Michel Pastoureau, des hypocrites, des chevaliers félons, de Judas et de la synagogue.

Quand à partir du XIIIe siècle le port d'un insigne distinctif est imposé aux juifs (comme la rouelle en France) la couleur le plus souvent sollicitée est le jaune. "Faut-il voir dans cette marque imposée à tous les juifs du royaume de France un ancêtre plus ou moins direct de l'étoile jaune?", s'interroge-t-il. "Certains historiens l'ont dit, mais cela semble quelque peu hasardeux", répond-il en arguant que "partout en Europe, des signes discriminatoires semblables (...) ont été prescrits à bien d'autres catégories d'exclus et de réprouvés qu'ils soient chrétiens ou non chrétiens".

Recul du jaune à partir du XVIe siècle

Mais au Moyen-Âge, précise l'historien, le jaune demeure encore aussi la couleur symbolique de l'or, du miel et des blés mûrs, autant de signes de pouvoir, de joie et d'abondance. Le jaune va inexorablement reculer à partir du XVIe siècle.

En Europe occidentale il demeure, encore et toujours, bon dernier parmi les couleurs de base. A la question "Quelle est votre couleur préférée?", le bleu obtient entre 45 et 50% des réponses quand le jaune est à moins de 5%. Et les résultats sont toujours les mêmes depuis que de telles enquêtes existent, c'est-à-dire depuis les années 1880.

"Si je n'étais pas historien mais créateur -peintre, styliste, graphiste, designer, publicitaire-, j'en profiterais et miserais davantage sur le jaune", assure l'historien qui ouvre les paris : "Le jaune, une couleur d'avenir ?"

Le jaune est le cinquième volet d'une série entamée en 2000. Michel Pastoureau a déjà publié Bleu (2000), Noir (2008), Vert (2013) et Rouge (2016), au Seuil.

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