Edition : Vincent Bolloré prêt à lâcher tout Editis pour s'emparer de Lagardère
Les "négociations exclusives", annoncées mardi 14 mars, entre Vivendi et International Media Invest (IMI), filiale de la holding CMI de Daniel Kretinsky, sont l'ultime remède proposé aux autorités européennes de la concurrence, qui ont jusqu'au 23 mai pour approuver ou rejeter la prise de contrôle de Lagardère par Vivendi. Le magnat tchèque a accéléré ces dernières années ses investissements dans les médias français via son groupe de presse CMI France (Elle, Marianne, Télé 7 Jours). Il est également co-actionnaire du Monde et possède plus de 5% du groupe TF1.
"Je suis très heureux et fier de la possibilité de devenir l'actionnaire d'un fleuron de l'édition comme Editis si le processus arrive à son terme. J'ai conscience des responsabilités qu'une telle acquisition implique compte tenu de la qualité des maisons qui composent le groupe et de leur place dans l'histoire intellectuelle française"
Daniel Kretinsky, homme d'affairesà l'AFP
Bataille dans l'édition
Editis est le numéro deux français de l'édition. Avec 789 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022, il est toutefois plus petit que Hachette Livres, qui réalise la majeure partie de son activité à l'étranger. Devant les inquiétudes sur le bouleversement de ce marché, et dans une moindre mesure sur celui des magazines people, la Commission européenne avait lancé à l'automne une enquête approfondie sur la prise de contrôle de Lagardère par Vivendi, déjà monté l'an passé à 57% du capital après une rude bataille actionnariale, mais qui ne peut utiliser tous les droits de vote associés pour le moment.
Initialement, Vincent Bolloré imaginait fusionner les plus belles maisons d'édition parmi la cinquantaine détenues par Editis (dont Robert Laffont, Plon, Julliard, Le Robert ou Pocket) avec l'empire Hachette Livre, troisième éditeur mondial, propriétaire de Grasset, Fayard, Stock ou Calmann-Lévy. A l'été, les premières discussions avec Bruxelles avaient conduit Vivendi à changer de pied et à envisager la cession d'Editis. Le groupe avait alors imaginé une opération complexe supposant de coter Editis en Bourse à Paris avant d'en distribuer les titres sous forme de dividende exceptionnel.
"Synergies"
Pour le groupe Bolloré, actionnaire de référence de Vivendi dont il détient 29,5%, cette méthode de cotation-distribution présentait l'avantage de mieux valoriser sa participation dans Editis et d'en capter directement le profit, sur le modèle de l'introduction en Bourse d'Universal Music Group en 2021. Il avait trouvé des repreneurs, dont déjà Daniel Kretinsky, allié pour l'occasion au producteur Stéphane Courbit et à l'entrepreneur Pierre-Edouard Stérin. Mais encore une fois, la Commission européenne avait tenu tête à Vincent Bolloré, considérant que l'opération faisait courir des risques dans son exécution et qu'elle ne permettrait pas au futur repreneur de peser suffisamment face à Hachette, dont la position de leader serait renforcée par des synergies avec Canal+ (télévision), Havas (publicité) et Prisma Media (magazines), les autres actifs de Vivendi. Conséquence des négociations annoncées mardi, Vivendi a dit "suspendre" son projet de cotation-distribution.
"Aggravation de la perte"
L'opération désormais "envisagée devra être acceptée par la Commission européenne et fera l'objet des procédures d'information-consultation des instances représentatives du personnel concernées", a détaillé Vivendi dans un communiqué. Le géant français des médias avait racheté Editis en 2019 pour 829 millions d'euros. Il y a depuis investi plus de 300 millions d'euros. Mais les mois de négociations, et le ralentissement du marché du livre après l'année exceptionnelle post-Covid, ont "entraîné une aggravation de la perte de valeur" du groupe, a réagi auprès de l'AFP l'avocate Isabelle Wekstein, qui représente des auteurs, libraires et éditeurs indépendants.
Si les négociations sont toujours en cours, Vivendi s'est déjà résigné le 8 mars à abaisser sa valorisation de sa filiale de 300 millions d'euros, en raison du "faible niveau de prix" proposé par les éventuels repreneurs. Cette dépréciation avait contribué à creuser sa perte nette, à plus d'un milliard d'euros en 2022.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.