Douglas Kennedy : pourquoi "La fenêtre panoramique" a changé sa vie
Toujours en transit entre Londres, Paris, Berlin et le Maine, Douglas Kennedy est devenu l'un des écrivains américains les plus appréciés du public français. Il vient de publier "Murmurer à l'oreille des femmes", un savoureux recueil de nouvelles chez Belfond.
Le livre qui a changé sa vie : "La fenêtre panoramique" de Richard Yates
"Ce livre a été publié en 1961, au début de l'ère Kennedy. Les critiques étaient extraordinaires, les ventes beaucoup moins. Cet écrivain a beaucoup lutté dans sa vie. Il était maniaco-dépressif, avait des relations épouvantables avec les femmes... Il n'était pas très doué pour la vie. Mais il a écrit six livres, dont deux sont des chefs d'oeuvres de la littérature américaine.
"La fenêtre panoramique", c'est l'histoire d'un mariage raté. Frank arrive à New York, rencontre April. Elle tombe enceinte, deux fois. Il est primordial pour eux de trouver une maison... C'est l'époque où les banlieues à l'américaine se développent. Ils emménagent dans une banlieue très blanche, neutre, ennuyeuse... Lui voyage tout le temps. Elle est femme au foyer, avec ses deux enfants. Leur maison n'est pas un HLM mais n'a aucun intérêt. Ils ont créé leur propre prison. Petit à petit, leur mariage bascule...
Quand j'ai lu ce roman, j'ai été fasciné par ses descriptions des disputes domestiques, la férocité, les reproches horribles. Il y a des passages de 2/3 pages que j'ai lus de nombreuses fois. Pour la première fois, dans la littérature américaine, un écrivain a travaillé sur le conformisme américain.
Quatre semaines après l'avoir fini, j'ai commencé à écrire "L'homme qui voulait vivre sa vie". Alors oui, c'est évident, ce livre m'a beaucoup influencé. J'ai, en quelque sorte, essayé d'écrire la "Fenêtre panoramique" de ma génération."
"Je lis deux ou trois livres chaque semaine"
"Si vous voulez écrire, il faut lire, lire beaucoup. Moi, je lis 2 ou 3 livres chaque semaine. Et forcément, on vole beaucoup de choses aux autres. J'ai des goûts très éclectiques. Je lis des bouquins philosophiques : il y a quelques jours, j'ai fait une nuit blanche, j'en ai profité pour lire Nietzsche à quatre heures du matin. Mais j'adore aussi les polars.
Graham Greene a été important pour moi. Un modèle, même. Il a vécu partout. Il était très anglais, mais avec une certaine distance. Moi, je suis très américain... avec aussi une certaine distance. Le fait qu'il n'ait jamais eu le Nobel est absurde.
Il y a cinq ans, pendant la sortie de "Quitter le Monde", j'ai été abordé par une femme, dans une ville française. Elle avait la quarantaine. Et elle pleurait. Elle m'a raconté sa vie, m'a dit qu'elle était miraculeusement tombée enceinte, alors qu'elle n'y croyait plus. Et que sa fille de six ans venait de mourir d'un cancer. Elle m'a dit : 'En lisant votre livre, j'ai compris que je n'étais pas seule'. Ça m'a bouleversé. Je l'ai embrassée. C'est dans doute un des moments les plus profonds de mon existence. Je lui ai dit 'Vous avez validé ma vie'. "
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