Découverte d'une photo inédite d'Arthur Rimbaud

Assises autour de guéridons, sept personnes prennent la pose sur le perron de l'hôtel de l'Univers à Aden, en Abyssinie (aujourd’hui au Yémen).
_ Sur cette photo de la fin du XIXème siècle, le premier homme en partant de la droite, penché en avant, le regard perdu, ressemble à Arthur Rimbaud.

C’est ce que pensent immédiatement Alban Caussé et Jacques Desse, deux libraires parisiens, lorsqu’ils découvrent, dans une brocante, ce paquet de vielles photographies d’Aden. C’était il y a deux ans.

"On voyait ce visage, ce type à l'œil clair qui a l'air d'un extraterrestre au milieu des autres, un peu comme s'il était là et en même temps ailleurs", raconte Jacques Desse.

Sur le cliché, un type à l'oeil clair

Quelques mots griffonnés au dos de la photo achèvent de les convaincre : "Hôtel de l'Univers"… l’hôtel où Rimbaud a séjourné à Aden.
Les deux libraires achètent donc le lot de vieux clichés.

_ Où et à quel prix ? Mystère. Là-dessus, les deux compères, qui se qualifient eux-mêmes de " chasseurs de trésor ", gardent le secret.

Reste à faire authentifier le cliché et confirmer leur intuition.
_ Alban Caussé et Jacques Desse se tournent alors vers Jean-Jacques Lefrère, biographe de Rimbaud et spécialiste incontesté. Il est aussi l’auteur d'une correspondance posthume sur le poète qui paraît jeudi chez Fayard.

Jean-Jacques Lefrère est rapidement convaincu : il s’agit bien de l'auteur des Illuminations. La période, le cadre, les détails, les personnages correspondent aux détails trouvés dans les lettres écrites à l'époque par le poète.

Similitudes nombreuses

L’expert compare ensuite le portrait de Rimbaud adolescent au cliché retrouvé et note de nombreuses similitudes.
Elles ne laissent aucun doute, écrit-il dans l'article consacré à cette extraordinaire aventure dans le dernier numéro d'Histoires littéraires : "on retrouve ce visage ovale, cette chevelure remarquablement dense qui se dessine avec netteté sur le front en une pointe un peu décentrée sur la droite".
Même constat du spécialiste pour les "oreilles, le nez, les sourcils".

C’est une découverte "extraordinaire" s’enthousiasme François Desse, "c'est un peu le chaînon manquant entre la célèbre photo du poète de 17 ans d'Etienne Carjat et quatre autoportraits réalisés dans des conditions très mauvaises avant sa mort en 1891" ajoute-t-il.

Des yeux bleus au regard très clair

Ce maillon manquant, cette fameuse photo sera présentée vendredi au Salon du Livre Ancien, en même temps que la volumineuse "Correspondance posthume" de Jean-Jacques Lefrère.

L’occasion pour tous de découvrir ce regard très clair qui a frappé tous ceux qui ont connu Rimbaud, et dont le poète Jean Richepin disait qu'il avait des "yeux bleus comme je n’en ai vu à personne : ils étaient gênants à force d’être clairs".

Cent vingt ans après sa mort, Rimbaud nous regarde enfin au fond des yeux.

Virginie Salanson avec agences