De Capote à Picasso : petites histoires des œuvres "inédites" des grands artistes
Des écrits de jeunesse de l'écrivain américain Truman Capote vont être publiés d'ici à 2015. Mais ce n'est pas la première fois que sont exhumés les travaux inconnus, oubliés ou inachevés d'un artiste star, des années après sa mort.
Ils cherchaient un chef-d'œuvre, ils sont tombés sur un petit trésor. Au total, 23 œuvres de jeunesse de l'Américain Truman Capote arriveront en librairies d'ici à 2015. L'hebdomadaire allemand Die Zeit Magazin en publie déjà quatre, dans son édition du jeudi 9 octobre. L'auteur de Breakfast at Tiffany's (Petit déjeuner chez Tiffany) et Of Cold Blood (De sang-froid) est pourtant mort il y a trente ans. Avant lui, d'autres artistes ont laissé derrière eux des manuscrits secrets, des films inachevés, des croquis, précieusement gardés par leurs familles ou tombés dans l'oubli.
Francetv info vous raconte comment ces œuvres, restées cachées pendant des décennies, parviennent finalement à retrouver la lumière.
Le jeu de piste de Truman Capote
L'éditeur allemand Peter Haag et la journaliste Anuschka Roshani ont découvert, à l'été 2014, 23 nouvelles inédites ou rares de Truman Capote. Ce n'est pourtant pas du tout ce qui les intéressait au départ.
Comme le raconte Die Zeit Magazin (en allemand), l'écrivain américain avait confié à ses proches, avant de mourir en 1984, qu'il avait laissé quelque part le manuscrit intégral de son grand roman, Answered Prayers (Prières exaucées). Il expliqua ainsi à l'une de ses amies, en lui confiant une clé, qu'il avait déposé le colis dans le casier d'une gare routière. A un autre, que le texte était à l'abri dans le coffre-fort d'une banque. Surtout, Truman Capote affirmait que son œuvre "ferait aux Etats-Unis ce que Proust a fait en France", rapporte Vanity Fair (en anglais). De quoi exciter la curiosité des éditeurs.
En suivant ces pistes, Peter Haag et Anuschka Roshani remontent jusqu'à la bibliothèque publique de New York, dans la collection Capote. Faute de temps et de moyens, les bibliothécaires n'ont jamais fouillé ces archives. C'est là que l'éditeur lit This one is for Jamie, Saturday Night et d'autres nouvelles écrites entre 14 et 17 ans par le futur auteur de Breakfast at Tiffany's. Des textes "par définition juvéniles", selon son biographe Gerald Clarke, dans le Guardian, "mais même à 15 ans (...), il donne déjà envie au lecteur de tourner les pages sans cesse".
Quant à la fin du roman inachevé Answered Prayers, dont des fragments ont été publiés en 1987, elle reste introuvable.
Les éditeurs peu scrupuleux de J.D. Salinger
Ce sont souvent les éditeurs qui s'acharnent à dénicher les textes inédits des grands auteurs. Ces œuvres connaissent, en général, un grand succès en librairie, particulièrement lorsque l'auteur a peu publié ou mené une vie discrète. C'est le cas de l'Américain J.D. Salinger, auteur du fameux L'attrape-cœur, succès immédiat devenu un classique.
A la fin 2013, trois courtes histoires inédites attribuées à Salinger, mort en 2010, ont été mystérieusement publiées sur internet, comme le racontait Culturebox, suscitant des interrogations sur leur origine. A l'été 2014, le site spécialisé dans l'édition Publisher's Weekly (en anglais), raconte comment les éditeurs Tom Graves et Darrin Devault, qui ont découvert les textes, ont monté un dossier avec des spécialistes du droit d'auteur pour déterminer s'ils avaient le droit de publier ces œuvres inédites.
Les nouvelles n'étant pas répertoriées dans le patrimoine de l'écrivain, connu pour être un fervent protecteur de ses droits d'auteur et protégé par le Salinger Trust, qui détient ses droits, Graves et Devault ont légalement la possibilité d'en disposer, sans risquer de poursuites. Pourtant, ils reconnaissent que "le vieil homme lui-même n'aurait certainement pas apprécié ce que nous avons fait".
L'ascenseur qui a sorti de l'oubli "L'Enfer" de Clouzot
L'Enfer, d'Henri-Georges Clouzot, a failli ne jamais voir le jour. C'était sans compter sur la (mal)chance du réalisateur Serge Bromberg. Débuté en 1964, le tournage de ce film, devenu littéralement infernal pour l'acteur Serge Reggiani, dépressif, et pour Clouzot, à la santé fragile, n'a jamais été achevé.
A la mort du cinéaste, sa deuxième épouse, Inès Clouzot, est chargée de "céder ses images à la personne qui les honorera de sa propre vision, de sa créativité", raconte Serge Bromberg pour Ecran Noir. Comme d'autres réalisateurs avant lui, il vient frapper à sa porte, espérant obtenir le droit d'utiliser les précieuses bobines. Au terme de leur échange, la veuve n'est pas convaincue et le raccompagne. Ensemble, ils restent coincés dans l'ascenseur et finissent par faire connaissance. Une fois l'engin débloqué, Inès Clouzot accède à la demande de Serge Bromberg.
A partir des 185 pellicules récupérées, il réalise "L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot". Dans ce long-métrage, à mi-chemin entre le making-of et le film, se mélangent des interviews, des essais de costumes, de maquillage et des extraits de scènes tournées par Clouzot, avec Romy Schneider et Serge Reggiani.
La traduction tardive du "Voyage dans le passé" de Zweig
Rares sont les auteurs autrichiens aussi populaires en France que Stefan Zweig. Si bien que la découverte de ses textes inédits suscite un enthousiasme que L'Express qualifie de "zweigmania". Pour preuve, le succès de son court roman Le Voyage dans le passé, publié en France en 2008, plus de soixante ans après la mort de l'écrivain. Le texte n'était pourtant pas totalement inédit.
Des extraits avaient déjà été publiés dans une revue viennoise en 1929, avant que le texte intégral, tapé à la machine à écrire et annoté par Stefan Zweig, soit retrouvé à Londres, puis édité en Allemagne, en 1976. Cet inédit en France a finalement été publié par Grasset, en octobre 2008, "après avoir été refusé par plusieurs éditeurs français", selon Le Figaro. Peut-être parce que Stefan Zweig a longtemps été jugé "trop populaire" justement, par "les gens sérieux", rappelle son biographe Serge Niémetz à L'Express. Tellement populaire qu'en un mois, l'éditeur a dû réimprimer trois fois Le Voyage dans le passé.
L'électricien de Picasso
Lorsque ce ne sont pas les éditeurs, c'est parfois la justice qui révèle des merveilles. Vol, recel, ou généreux don ? L'affaire de l'électricien à qui Pablo Picasso (ou sa dernière épouse Jacqueline) aurait offert certaines de ses œuvres, estimées à 60 millions d'euros, n'en finit pas de provoquer la colère des héritiers du peintre.
En janvier 2010, l'artisan Pierre Le Guennec contacte la Picasso Administration, gérée par la famille du maître, pour faire authentifier cette collection de collages cubistes, aquarelles de la période bleue, lithographies et carnets de croquis, révèle alors Libération. La Picasso Administration ne croit pas à cette histoire et après avoir reconnu l'authenticité des pièces, dépose plainte pour recel.
En l'absence de témoins, Picasso et son épouse étant tous deux décédés, les recours juridiques se succèdent dans les deux camps. Dernier épisode en date : l'électricien a déposé à son tour deux plaintes contre les héritiers Picasso. L'une pour escroquerie au jugement et la seconde pour contester la filiation de Claude, Paloma et Maya Picasso, et réfuter ainsi leur légitimité à réclamer les œuvres de leur père, selon Nice-Matin. En attendant, la précieuse collection est conservée sous scellés à l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels, à Nanterre (Hauts-de-Seine).
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