Charles Piaget, leader charismatique du mouvement ouvrier des Lip, retrace ses souvenirs dans un livre
Figure emblématique du mouvement ouvrier des années 70, leader de la lutte des Lip, Charles Piaget publie à 93 ans "On fabrique, on vend, on se paie", dans la collection Coup pour Coup.
À bientôt 93 ans, Charles Piaget, publie pour la première fois son point de vue sur la mobilisation inédite de 1973 qui a bloqué les usines Lip, fleuron de l’industrie horlogère du Doubs. Dans le livre On fabrique, on vend, on se paie (éditions Syllepses), le leader syndicaliste du mouvement revient sur les fondements de cette grève de dix mois où tout semblait encore possible.
"On fabrique, on vend, on se paie"
C'est un slogan qui a fait le tour du monde : "On fabrique, on vend, on se paie", voilà ce qui s'affichait au fronton de l'usine Lip en 1973. Lip, c'est d'abord l'histoire d'une horlogerie de renommée mondiale basée à Besançon, un savoir-faire de tradition et d'excellence, qu'une multinationale rachète pour la marque, avec l'intention de licencier des centaines d'hommes et de femmes qui y travaillent.
Dès lors, la lutte s'organise, les assemblées générales se multiplient, les ouvriers s'opposent au démantèlement de l'usine. Charles Piaget, qui n'est à l'époque qu'un simple mécanicien, se révèle comme le porte-parole charismatique de la lutte mouvement ouvrier international des Lip à Besançon. Une image de chef qui contrôle tout, incompatible avec ce que les Lip avaient mis des années à construire : un collectif démocratique. "Quand on me l'a fait remarquer, j'ai compris que je déconnais et qu'il fallait que je me reprenne", sourit-il.
Près d'un demi-siècle après le mouvement contestataire, Charles Piaget trace une ligne directe entre les luttes d'antan et l'Histoire contemporaine. Aujourd'hui encore, ses mots évoquent sans détour l'actualité de la crise sanitaire et sociale qui engendre des fermetures d'entreprises, des licenciements, la misère sociale et la prédominance des multinationales. "L'essentiel, c'est de se rappeler que l'on est des êtres humains et l'on doit être le plus possible égalitaire, on n'a pas à s'accaparer tout à soi", dit-il. Avant de concéder : "Je crois que je rêve un peu".
Un combat inédit qui fait le tour du monde
Dans son livre publié dans la collection Coup pour Coup aux éditions Syllepses, Charles Piaget se fait le témoin et la mémoire de cette grève qui marqua l'actualité politique et sociale de la France des années 1970. Son ouvrage, au format carré et concis, revient aussi sur cette lutte inédite souvent montrée à titre d'exemple dans le monde entier. Chaque assemblée générale est un moment fort et rassemble les valeurs de l'usine. "À Lip, on a beaucoup appris des autres, toute personne est utile", affirme-t-il.
Au cours de la lutte des Lip, les grévistes vont au-delà de ce qui était imaginable en franchissant la ligne jaune en se saisissant des stocks de montres pour en faire leur "trésor de guerre". Ils vont même jusqu'à remettre l'usine en route pour fabriquer des montres, les vendre, et se verser un salaire. Charles Piaget reconnaît cependant quelques erreurs sans doute liées à l'époque. "Quand on a essayé de défendre les femmes, on s'y est mal pris, et quand les femmes se sont complètement prises en charge, ça a été totalement différent", relate-t-il encore. Enfin, il nous raconte les suites de la grève de dix mois, l'engagement de réembauche de tout le personnel, les six années de rebondissements, d'avancées et d'obstacles, avec la création de coopératives.
"On fabrique, on vend, on se paie" de Charles Piaget, aux éditions Syllepses. Sortie en mai 2021 - 80 pages, 5 euros
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