Velázquez: tout l'oeuvre du peintre dans un beau livre de Guillaume Kientz
"Velázquez, l'affrontement de la peinture" (Editions Cohen & Cohen), présente l'ensemble de son œuvre peint, 130 tableaux, avec les dernières découvertes, comme celle de "L'Education de la Vierge", retrouvé dans les réserves de la Yale Art Gallery de New Haven. L'ouvrage de grande taille offre des reproductions qui permettent d'apprécier l'art du génie espagnol de la peinture. Un récapitulatif à la fin fait la liste illustrée des tableaux de Velázquez et le point des dernières attributions, "possibles" et "problématiques".
Le livre reproduit aussi 130 œuvres d'autres artistes qui ont influencé le peintre espagnol. Car même s'"il était indifférent aux influences extérieures", il a pu être marqué par le caravagisme au début de sa carrière. Et grâce aux peintres qu'il a vus lors de son premier voyage en Italie, il a travaillé l'art du paysage et d'expérimenté une palette plus lumineuse.
Il y a aussi les peintres qui travaillaient en même temps que lui en Espagne, quand, à partir de 1623, Velázquez devient le peintre du roi Philippe IV. On peut ainsi comparer un Christ sur la Croix lumineux qui lui avait été commandé et un même sujet sculptural de Zurbarán. Ou les artistes qui l'entouraient dans les palais royaux, notamment au Buen Retiro, la nouvelle résidence d'été du roi où 19 de ses tableaux étaient accrochés, aux côtés de paysages de Nicolas Poussin, du Lorrain ou de Jan Both.
Laisser toute la place à la peinture
"Notre objet concerne moins l'homme que son art", annonce Guillaume Kientz qui veut "laisser toute la place à la peinture" et suivre Velázquez "à la trace dans ses curiosités, ses tâtonnements, ses expérimentations et ses enthousiasmes".
L'auteur situe Velázquez dans le contexte où il a grandi, à Séville, avec une courte évocation de ce qu'était la ville au moment où il y est né, "dense et cosmopolite", et du milieu artistique dans lequel il se forme. On a peu de documents sur sa jeunesse et le peintre s'est inventé des origines nobles, pour pouvoir entrer dans les rangs des chevaliers de l'ordre de Santiago, interdit à ceux qui avaient un métier.
On est quand même renseigné sur sa formation chez Francisco Pacheco, dont il épouse la fille et qui écrira un livre sur l'art de la peinture qui parle abondamment du gendre talentueux.
Dessiner en peinture
"A Séville il se cherche, à Madrid il s'installe, à Rome il se découvre", écrit Guillaume Kientz. C'est dans sa ville natale que Velázquez produit ses œuvres de jeunesse, scènes religieuses et populaires marquées par un naturalisme puissant.
A Madrid, le peintre réalise des portraits officiels du roi et des membres de la famille royale, et doit respecter certains codes. C'est dans ses portraits des bouffons et des nains de la cour qu'il peut prendre des libertés de style, expérimenter des effets de lumières ou des effets de "non fini" qui rejailliront sur les portraits officiels.
D'une plume brillante, Guillaume Kientz, qui est conservateur au Louvre, explique comment Velázquez construisait ses tableaux, sans dessiner, ou plutôt en "dessinant en peinture" : des lignes noires "construisent les formes, structurent les masses et délimitent puissamment les contours". Ses œuvres contiennent de nombreux "repentirs" (corrections).
Une succession de chefs-d'oeuvre
L'auteur analyse les tableaux les plus célèbres de Velázquez, comme le célèbre portrait du pape Innocent X, peint à Rome lors du deuxième voyage en Italie, en 1650, souligne l'intensité de l'expression qui caractérise souvent les portraits de l'artiste. Explique comment la précision du visage contraste avec la "liberté du reste de la composition" et comment Velázquez construit ce visage avec la lumière.
A partir de cette date, "la dernière décennie de l'artiste", qui meurt en 1660, "est une succession de chefs-d'œuvre", même si son activité de peintre ralentit à mesure de son ascension sociale.
Il y a la "Vénus au miroir", un des rares nus de Velázquez dans une Espagne surveillée par l'Inquisition. Une toile qui renvoie aux Vénus de Titien et révèle l'intérêt du peintre pour les circulations de regards. Un jeu qui atteint un summum dans les "Ménines" où le roi et la reine apparaissent dans un miroir et voient toute la scène, sans qu'on les repère immédiatement, alors que l'artiste se représente en train de travailler.
Au Grand Palais, on peut voir une cinquantaine de tableaux de Velázquez. Cette monographie et les belles reproductions qu'elle offre donnent envie de voir les autres, ceux qui ne sont pas à Paris, en allant par exemple au Prado, qui conserve 49 de ses toiles.
Guillaume Kientz est conservateur au département des peintures du Louvre, spécialiste de la peinture espagnole, portugaise et latino-américaine. Avant l'exposition du Grand Palais, il a assuré le commissariat d'une exposition sur la peinture mexicaine au Louvre en 2013.
"Velázquez, L'affrontement de la peinture", Guillaume Kientz, éditions Cohen & Cohen, 348 pages de grande dimension (27x31 cm), 427 illustrations, 95 €
Autres publications à l'occasion de l'exposition Velásquez au Grand Palais :
Gallimard publie un Hors série Découvertes en collaboration avec la RMN Grand Palais, de Véronique Gerard-Powell, spécialiste de l'art espagnol et maître de conférences à l'Université de Paris IV-Sorbonne : un petit livre-dossier dépliable, qui présente Velázquez à travers quelques clés indispensables pour comprendre son œuvre, avec des reproductions de tableaux : une courte biographie, le naturalisme, les dons de portraitiste, le voyage en Italie qui lui apporte une assurance dans l'utilisation des couleurs et de la lumière, les portraits de la famille royale, la maturité avec "Les Ménines".
"Velázquez", Véronique Gerard-Powell, Gallimard / Rmn – Grand Palais (Hors série Découvertes), 48 pages - 8,90€
Gallimard en profite aussi pour rééditer l'ouvrage de Jeannine Baticle publié en 1989 dans la série "Découvertes", révisé pour l'occasion. Une présentation chronologique de la vie et de l'œuvre de Velázquez, de Séville à l'Italie en passant par Madrid et en y revenant, avec des reproductions commentées des œuvres les plus importantes. Avec, en annexe, des extraits de textes de ses contemporains, notamment ses premiers critiques, ou des commentaires de ceux, peintres ou auteurs, qui l'ont admiré, du XIXe à nos jours.
L'auteure, qui vient de disparaître à l'âge de 94 ans, était aussi une spécialiste de la peinture espagnole et a été conservatrice en chef honoraire au musée du Louvre où elle avait passé sa carrière au département des peintures.
"Velázquez, Peintre hidalgo", Jeannine Baticle, Découvertes Gallimard (nouvelle édition 2015), 160 pages - 15,30 €
En décembre dernier, Taschen avait publié un catalogue raisonné de l'œuvre du peintre :
"Velázquez. L'œuvre complet", José Lopez-Rey, Odile Delenda, Editions Taschen, 416 pages, 99€
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