"Peninsula", l'ode photographique et poétique de Thierry Suzan à l'Antarctique
Le grand reporter amoureux des régions polaires a souhaité apporter un regard personnel sur cette terre des extrêmes, véritable "patrimoine de l'Humanité".
Il signe les photos et les textes de cette très belle monographie publiée par National Geographic.
"Horizon lointain insaisissable", "passage onirique entre terre et ciel", "frontière de l'imaginaire"... pour Thierry Suzan, parler de l'Antarctique c'est s'évader vers un continent demeuré tellement longtemps inconnu et fantasmé qu'aujourd'hui encore il reste "le dernier espace de rêve" dans un monde que l'homme a quadrillé. On devait déjà au grand reporter le très beau Vertige polaire (La Martinière) et La beauté sauvera le monde (Géo-Prisma). Avec Peninsula (National Geographic), il reste sur l'un de ses terrains de prédilection mais s'est focalisé sur la péninusule antarctique. Cette langue de terre et de glace à l'ouest de l'inlandsis est la zone la plus accessible pendant l'été austral, celle qui "concentre les beautés et les mystères du continent dans un écrin de poésie".
Au fil des 312 pages de ce beau livre (présenté de façon inédite dans un luxueux coffret avec cinq tirages d'art), on découvre les multiples facettes de ce paysage polaire qui fascine toujours autant : des cathédrales de glace qu'on croirait sculptées par la main d'un artiste colossal, des palettes de couleurs où le bleu et le blanc se déclinent en d'innombrables nuances, des ciels qui s'embrasent ou qui menacent avec une puissance infinie, des sommets qui émergent d'un brouillard épais et bien sûr une faune incroyable qui résiste malgré les conditions extrêmes.
Pour Thierry Suzan, il ne s'agissait pas de signer un livre de plus sur l'Antarctique mais de proposer un regard neuf et différent. Ce n'est pas un récit de voyage qu'il livre ici, ni une simple succession de belles photos, mais une ode à une nature indomptée qui invite à la contemplation, un instantané de ses ressentis, lui qui "pense avec ses tripes".
Les bourrasques enragées des tempêtes
Si chaque photo raconte à elle seule une histoire, l'auteur a glissé dans l'ouvrage une vingtaine de textes ciselés qui racontent de façon personnelle l'épopée de l'Antarctique. Dans le sillage des explorateurs des XVIIIe et XVIIIe siècles, on embarque sur les vieux gréements avec Cook, Smith, Bellingshausen ou Gerlache. On subit avec eux le déchainement des éléments, la mer hostile, les rideaux de brume, "les bourrasques enragées des tempêtes", ces vents catabatiques qui couchent presque les bateaux. On entend "le craquement sinistre des icebergs". On ressent le froid qui transperse les corps fatigués des marins, l'angoisse et l'excitation face à ces terres inconnues qui se font tellement désirer. On prend conscience encore des ravages de l'homme sur les populations de baleines et de phoques quasiment exterminées pour satisfaire les besoins d'économies en pleine croissance. Pour terminer sur les questions plus actuelles de recherche scientifique et d'enjeux géopolitiques.
"J'avais envie de cette odyssée de l'Antarctique d'hier et d'aujourd'hui avec des textes très poétiques, explique Thierry Suzan. Quand on lit on comprend ce qui s'y est passé et ce qui s'y passe aujourd'hui, toujours par le prisme du voyage et de la poésie. Ce sont des éléments fondamentaux, c'est ma touche."
Refuser la banalisation de l'Antarctique
Entre réchauffement climatique, convoitises liées à la richesse des sous-sols, installation de bases par des nations jusqu'à présent absentes des zones polaires, développement du tourisme et nouveau terrain de jeu pour aventuriers du XXIe siècle, l'Antarctique aimante. Bien que protégée par un traité qui en fait une terre de paix et de science (mais pour combien de temps encore ?), elle ne sera peut-être plus tout à fait ce lieu à part dans les prochaines décennies. A travers ce livre pour lequel National Geographic lui a laissé carte blanche, Thierry Suzan a souhaité apporter un témoignage pour contrer la "banalisation de l'Antarctique" qu'il redoute et qui lui ferait perdre cette dimension onirique. "C'est un véritable patrimoine de l'Humanité parce que ce continent n'appartient à personne, souligne-t-il. C'est un espace mythique et pour ne pas perdre notre âme, il faut le préserver."
Entré dans le petit cercle des photographes "labellisés" par le prestigieux National Geographic, Thierry Suzan va maintenant poursuivre l'aventure de ce livre avec des expositions et des conférences. Sans doute à Strasbourg, sa ville d'origine, à la fin de l'année...
Peninsula de Thierry Suzan - National Geographic. Le coffret comprend le livre et 5 photographies tirées à part - 79€ en librairie.Une version kiosque (19€) sortira le 20 novembre.
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