"Le Cantique des oiseaux", poème soufi fondateur, aux enluminures précieuses
Une ornithologie spirituelle
Stigmatisé comme hérétique par les sunnites comme les chiites, pour prêcher la fusion entre l’homme et le divin, le soufisme est sans doute le courant musulman le plus fécond en émanations culturelles, par ses textes, sa peinture, la musique et la danse. Cette ouverture trouve sa source dans les valeurs de tolérance enracinées dans l’Islam, malheureusement trop souvent identifié au seul fondamentalisme, minoritaire, mais responsable des dégâts que l’on sait, telle une souris rugissante. La lumière de ce texte, sa beauté, en bénéficiant d’une telle édition, est la meilleure arme pour combattre un obscurantisme d’un autre âge.Des excès aux antipodes du "Cantique des oiseaux", poème philosophique, mystique, donc ésotérique, mais qu’Attar rend d’une limpidité transparente dans sa parabole. La huppe, messagère de Salomon, rassemble les oiseaux de la Terre pour les mener vers Sîmorgh, leur roi, incarnation du divin. Partis 30.000, ils seront 30 à l’arrivée, après avoir traversé sept vallées, comme autant d’épreuves qui recoupent les étapes conduisant à l’accomplissement spirituel : la quête, l’amour, la connaissance, le détachement, l’unicité, l’humilité, la pauvreté. Une annihilation de l’ego, non dogmatique, mais acquise, consciente, initiée par la huppe dans ses histoires, contes et digressions, au fil du voyage.
Accessibilité
"Le Cantique des oiseaux" rassemble la quintessence du soufisme en 4.725 distiques (réunion de deux vers), traduit en 9448 alexandrins par Leili Anvar, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, traductrice et spécialiste de la littérature mystique et de l’écriture féminine. Cette transmission, fruit de quatre années de travail, fusionne avec sa source, métaphore épique d’une quête plus spirituelle que religieuse, dans la continuité de la Bhagavadgita indienne, mais coranique. A ce titre, les notes renvoient aux versets du coran auxquels se réfère Attar dans sa prose, alors qu’un glossaire éclaire une terminologie pas toujours acquise.
Cet effort d’accessibilité est sublimé par une iconographie incomparable et rarement réunie, issue de la peinture de l’islam d’Orient. Deux-cent-sept miniatures du XIV au XVIIe siècle, à la délicatesse graphique et aux couleurs merveilleuses, d’une subtilité sans égale, tout en aplats d’or, azurés, carmins, ocres, immaculés… Spécialiste des miniatures persanes Michel Barry commente les œuvres en un constant va-et-vient entre le texte et l’illustration, pour mieux décrypter la symbolique mystique. Un texte séculaire, philosophique, investi d’une sagesse initiatique sous une forme ludique, entièrement tournée vers l’accomplissent de l’être, édité avec une exigence éditoriale d’une modernité de premier ordre.
Le Cantique des oiseaux
Traduit du persan par Leili Anvar,
Collaboration de Michel Barry
Diane de Selliers Editeur
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