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Alice Zeniter, lauréate du Goncourt des lycéens : "Il y a quelque chose de particulier dans ce prix"

Alice Zeniter a remporté le Goncourt des lycéens, jeudi, pour son roman "L'art de perdre", publié chez Flammarion. Pour l'écrivaine, "il y a quelque chose de particulier dans ce prix". 

Article rédigé par franceinfo
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Alice Zeniter, auteure de "L'art de perdre", le 22 septembre 2017. (JOEL SAGET / AFP)

La romancière Alice Zeniter a remporté, jeudi 16 novembre, la 30e édition du Goncourt des lycéens pour L'art de perdre, publié chez Flammarion. Elle raconte le destin d'une famille française dont le grand-père fut harki et aborde, à cette occasion, les non-dits de la guerre d'Algérie. "Il y a quelque chose de particulier dans ce prix, le fait que ce soit les lycéens qui le donnent, a réagi sur franceinfo Alice Zeniter. Avec un prix comme le Goncourt des lycéens, je me dis que je vais pouvoir souffler, prendre le temps d'écrire sur un temps plus long, arrêter la course contre la montre."

franceinfo : Un prix littéraire comme le Goncourt des lycéens, est-ce la liberté ?

Alice Zeniter : La condition économique des écrivains aujourd'hui n'est pas facile. Quand on décide de vivre de sa plume, il y a une fragilité qui vient avec et, parfois aussi, une obligation de vitesse. On se dit qu'il faudrait peut-être que l'on republie dans deux ans parce que sinon, on n'aura rien à manger. Avec un prix comme le Goncourt des lycéens et les ventes qui y sont attachées, je me dis que je vais pouvoir souffler, prendre le temps d'écrire sur un temps plus long, arrêter la course contre la montre.

Votre roman se situe dans le contexte historique de la Guerre d'Algérie. Il parle aussi de l'immigration d'aujourd'hui ?

Ce livre pose des questions que j'avais envie de pouvoir partager avec les plus jeunes parce que ce sont des questions qui, moi, m'ont beaucoup travaillée quand j'avais l'âge des lycéens qui votaient. Ce livre parle de ce que ça veut dire d'être quelqu'un issu de l'immigration, d'être en permanence assigné à résidence, de devoir se construire par rapport aux préjugés et aux fantasmes des autres. Cette catégorie de la population n'est pas représentée dans la littérature française. C'est une des choses que j'avais envie de faire, de pouvoir parler d'eux, de pouvoir les faire entrer dans une littérature où ils n'étaient souvent que des personnages d'arrière-plan.

C'est aussi une histoire de transmission et de non-transmission ?

Oui, j'ai cette impression que toute personne a un droit à l'histoire, que l'on peut évidemment refuser d'être déterminé par l'histoire de sa famille. C'est le cas de Naïma, l'héroïne du roman, qui ne voit pas pourquoi ce qu'a fait ou n'a pas fait son grand-père 60 ans plus tôt devrait avoir un impact sur elle. Pour pouvoir tourner le dos à une histoire et dire qu'elle ne me détermine pas, il faut la connaître. Tant qu'on se confronte uniquement au silence, on ne peut pas s'en libérer, on ne peut pas avancer. Le livre parle aussi de ça, de ces recherches qui sont faites pour se réapproprier une histoire qui n'a jamais été transmise.

L'art de perdre, pour une famille de harkis, n'est-ce pas un peu ironique ?

C'est ironique et, en même temps, ça ne l'est pas. Ce qui est ironique, c'est l'affirmation d'Elizabeth Bishop [écrivaine américaine, qui a inspiré Alice Zeniter] qui dit que "dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître", alors qu'en fait ce que le livre va montrer, c'est que c'est quelque chose qui est difficile et douloureux. En même temps, la perte est une chose nécessaire et une condition de la vie. Sinon, on vit tous dans une sorte de petite cloche en verre où tout est fossilisé, où on essaye de tout préserver et le pays dans lequel on vit ressemble toujours aux souvenirs. Je pense donc sincèrement qu'il existe un art de perdre que les héros doivent apprendre et qui est la condition de leur mouvement.

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