"La résistible ascension d’Arturo Ui" pour démonter le mécanisme du populisme
La pièce de Brecht sur l'accession d'Hitler au pouvoir est ancrée dans le présent par Dominique Pitoiset et portée sur scène par Philippe Torreton, parfait dans la frayeur et le cynisme.
Le spectacle résonne avec l’actualité. Depuis le 10 novembre et jusqu'au 27, à Sceaux, avant de partir en tournée jusqu'en avril, le comédien Philippe Torreton joue La résistible ascension d’Arturo Ui, pièce de Bertolt Brecht sur la prise de pouvoir par Hitler. Le metteur en scène, Dominique Pitoiset, avec lequel Philippe Torreton a triomphé précédemment dans Cyrano a choisi de nous parler du présent.
Une parabole actualisée
La résistible ascension d’Arturo Ui créée en 1941 est une parabole sur la prise du pouvoir par les nazis mais l'adaptation de Dominique Pitoiset rend la pièce universelle et terriblement actuelle, au moment où le populisme gagne du terrain dans de nombreux pays. Dans la bouche de Philippe Torreton, les mots d’Arturo Ui résonnent étrangement. "Meurtres, massacres, carnages, arbitraire, pillages, des coups de feu tirés en pleine rue, des travailleurs vacant à leurs occupations, des citoyens paisibles assassinés en plein jour. Et que fait le gouvernement, je vous le demande ? Rien." L'acteur poursuit : "Sans doute, ces honorables messieurs ont-ils des plans, des manœuvres ténébreuses à combiner plutôt que d’intervenir. Bref, c’est le règne du chaos."
L'universalité du populisme
Le discours interpelle car il en rappelle d’autres, plus contemporains. Arturo Ui est un fasciste d’hier et un populiste d’aujourd’hui. "On a essayé de l’éloigner d’Hitler, tout en gardant quelques petits symboles, et de le mettre dans le monde d’aujourd’hui", assume Philippe Torreton, cherchant à comprendre "le mécanisme" et pourquoi, à un moment, "la vigilance baisse". "Quels sont les rouages faussés de nos démocraties pour que le populisme revienne", s'interroge l'acteur.
Qu’est ce qui fait qu’un être, homme ou femme, réussisse à mettre un pied dans la porte, à y rester et à prendre le pouvoir.
Une pièce qui fait feu de tout bois
Dans un décor glaçant, à la fois salle de réunion et morgue, Arturo Ui, dos au public, regarde la vidéo de l’enregistrement du Nabucco de Verdi en mars 2011 à l’Opéra de Rome. A l’occasion du 150e anniversaire de l’unité italienne, les spectateurs debout avaient repris en chœur l’air Va pensiero. Cet air célébrissime est devenu un symbole du nationalisme, du patriotisme Italien. Plus tard dans le spectacle, une autre vidéo montre des images des violences survenues lors des manifestations contre la loi Travail au printemps dernier. Ce sont des violences d’aujourd’hui pour évoquer celles d’hier. La vidéo s’achève sur l’incendie du Reichstag en 1933. Philippe Torreton explique que la volonté était de "faire œuvre de récupération". "Les hommes politiques récupèrent tout. La violence, les problèmes, les symboles. Nous avons fait comme eux. C’est ce que fait Arturo Ui pour faire passer ses messages de protection, d’homme providentiel et de secours énergique."
Arturo Ui, rôle parfait pour acteur engagé
Comédien et citoyen engagé, Philippe Torreton se jette dans ce rôle avec la passion et le talent qu’on lui connaît. Il est un Arturo Ui, cynique, cinglant, inquiétant absolument parfait, de bout en bout.
Je n’ai pas cessé de dire au metteur en scène que plus on l’amène vers la normalité, plus c’est effrayant.
Effectivement, l’Arturo Ui de Philippe Torreton fait peur. La pièce est parfois un peu démonstrative, mais le duo Pitoiset-Torreton veut interpeller les spectateurs avant l’élection présidentielle. La résistible ascension d’Arturo Ui va d’ailleurs tourner dans toute la France jusqu’en avril 2017.
Jusqu’au 27 novembre, on peut voir Philippe Torreton dans La résistible ascension d’Arturo Ui au Théâtre des Gémeaux à Sceaux, près de Paris. La pièce sera ensuite programmée à Quimper au Théâtre de Cornouaille du 1er au 3 décembre.
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