Cet article date de plus de six ans.

Trois expositions à ne pas rater au festival Visa pour l'image de Perpignan

Pour sa trentième édition, le festival international de photojournalisme qui se tient du 1er au 16 septembre à Perpignan (Pyrénées-Orientales) propose une vingtaine d'expositions toujours aussi engagées.

Article rédigé par Elodie Drouard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une usine de transformation de poulets à Jiangsu (Chine), le 16 juin 2016.  (GEORGE STEINMETZ / COSMOS)

Visa pour l'image a 30 ans, mais toujours pas une ride. Fidèle à sa volonté de proposer gratuitement au public une sélection des meilleurs reportages venus du monde entier, le festival international de photojournalisme célèbre modestement sa longévité – plus de 800 manifestations organisées depuis ses débuts en 1989. Outre une exposition célébrant cet anniversaire à travers une trentaine "de photos qui ont compté" pour les organisateurs, cette édition 2018 de Visa pour l’image promet d’être toujours aussi pertinente. Au programme, du 1er au 16 septembre, vingt-cinq expositions qui emmèneront le visiteur du Brésil à la Birmanie, en passant par l’Irlande du Nord et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, autour de trois axes majeurs : les minorités, les guerres et conflits, l’écologie et la santé. Voici trois expositions qui ont particulièrement retenu notre attention.

"Un petit coin : défécation en plein air et assainissement" (Andrea Bruce)

En Inde, les installations collectives sont une réponse à la pénurie de toilettes, mais sans système organisé pour le nettoyage et l'entretien, la défécation reste un problème de santé publique. Ici, des femmes attendent l'ouverture de la seule cabine en état de marche à New Delhi. (ANDREA BRUCE/ NOOR POUR NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE)

Récompensée cette année par un Anja Niedringhaus Award – prix décerné à des journalistes femmes qui "documentent des faits cruciaux dans des environnements difficiles" – pour son travail sur les conséquences des conflits dans le monde, en particulier en Irak et en Afghanistan, la photojournaliste américaine Andrea Bruce expose cette année à Perpignan.

Et si le titre de son exposition, "Un petit coin : défécation en plein air et assainissement", prête à sourire, le problème qu’elle soulève à travers son reportage est bien réel. Aujourd’hui, dans le monde, plus de de 945 millions de personnes (dont 60% en Inde) feraient leurs besoins en plein air. Une pratique ancestrale qui pose désormais de gros problèmes de santé publique, en raison de la densité de la population urbaine. "L'eau insalubre et son absence d’assainissement tue chaque année 1,4 million d’enfants, soit plus que la rougeole, le paludisme et le sida réunis", rappelle la photoreporter.

À l’école, Dao Thanh Lam (5 ans) peut utiliser les toilettes. Une grande partie de la réussite du Vietnam est imputable au système scolaire : depuis dix ans, tout nouvel établissement doit être équipé d’installations sanitaires à l’intérieur, et le lavage des mains est obligatoire. (ANDREA BRUCE / NOOR IMAGES POUR NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE)

En Inde, pays où "l'hygiène publique est plus importante que l'indépendance", clamait Mahatma Gandhi en 1947, 300 000 enfants meurent chaque année de maladies diarrhéiques et des millions de personnes souffrent de maladies chroniques de l’intestin affectant l’assimilation des aliments et des médicaments.

Dans les bidonvilles d’Haïti, la plupart des habitants font leurs besoins dans les ruelles entre les maisons. Les rues sont régulièrement inondées, ce qui favorise le risque de choléra, qui s’est propagé dans le pays depuis le séisme de 2010. (ANDREA BRUCE/ NOOR IMAGES POUR NATIONAL GEOGRAPHIC)

Un constat dramatique qu'Andrea Bruce a choisi de documenter à travers de nombreux clichés montrant l'insalubrité de certains "petits coins" sur notre planète.

"Les otages du centre-ville de Johannesburg" (Jonathan Torgovnik)

Entre deux immeubles squattés où vivent des migrants africains, Guguleto (8 ans) traverse la cour jonchée de détritus dans le centre-ville de Johannesburg (Afrique du Sud). (JONATHAN TORGOVNIK / THE VERBATIM AGENCY)

D’un point de vue européen, et surtout depuis l'intensification de la crise migratoire en 2010, on constate surtout que les réfugiés quittent leur pays du Sud pour aller vers le Nord. Mais au même moment, au sein du continent africain, des milliers de migrants font eux route vers le Sud. Leur objectif : rejoindre Johannesburg, la plus grande ville d’Afrique du Sud et l’une des plus riches du continent. Une mégalopole de près de 10 millions d'habitants, dont le centre-ville a été déserté par les entreprises et la population blanche depuis la fin de l’apartheid, au début des années 90.

Résultat, de nombreux bâtiments tombés aux mains de marchands de sommeil abritent désormais ces réfugiés, qui viennent principalement du Malawi, de Tanzanie, du Zimbabwe, de Zambie, du Kenya ou du Nigeria.

La façade d’un immeuble désaffecté, rempli d’immondices, où vivent des migrants africains sans eau courante ni électricité. Plusieurs incendies se sont déjà déclarés dans ce bâtiment du centre-ville de Johannesburg (Afrique du Sud).  (JONATHAN TORGOVNIK / THE VERBATIM AGENCY)

Actuellement, deux millions de migrants sans papiers vivraient en Afrique du Sud et plusieurs milliers seraient entassés dans ce centre-ville à l’abandon. C’est dans ces bâtiments insalubres que le photographe israélien Jonathan Torgovnik a réalisé ce reportage, qui montre une autre facette des flux migratoires actuels.

Après une semaine de dur labeur, des migrants zimbabwéens dorment pendant le week-end dans un des immeubles squattés du centre-ville de Johannesburg (Afrique du Sud). (JONATHAN TORGOVNIK / THE VERBATIM AGENCY)

Lui-même résident de Johannesburg, il rappelle que récemment, ces migrants "ont été la cible de violences xénophobes qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés" dans ce pays en crise, où "le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé depuis vingt ans" (environ 27% en 2018).

"Big Food" (George Steinmetz)

Des veaux dans des enclos au Wisconsin (Etats-Unis), le 22 octobre 2015.  (GEORGE STEINMETZ / COSMOS)

Pour faire face à une démographie mondiale galopante qui prévoit 9,8 milliards d’habitants en 2050, notre production alimentaire ne cesse de croître. On estime que 40% de la surface de la Terre est aujourd’hui occupée par des surfaces agricoles.

Pour nous alerter sur ce problème, le photographe américain George Steinmetz s’est employé à nous montrer ce "spectacle de la production alimentaire et son ampleur, surtout vues du ciel". Un travail qu'il a entrepris après s'être retrouvé en prison pour avoir pris des photos aériennes d’un parc d’engraissement de bovins dans le Kansas (Etats-Unis), dans le cadre d’un reportage pour le magazine National Geographic.

Des serres formant une mer de plastique en Andalousie (Espagne), le 20 octobre 2015.  (GEORGE STEINMETZ / COSMOS)

"Ce fut comme un signal d’alarme pour moi, et la preuve qu’on nous cachait des pans entiers de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, ce qui n’a fait qu’accroître mon envie de découvrir ce qui était caché et pourquoi. J’estime que nous avons un droit naturel, sinon juridique, de savoir d’où viennent les aliments que nous consommons", explique-t-il.

George Steinmetz n'est "ni végétalien, ni militant des droits des animaux", mais considère "qu’il faut plus de transparence dans notre système alimentaire, afin que nous puissions faire des choix informés sur la façon dont nos aliments sont produits et les conséquences des méthodes utilisées". Une partie de son reportage, publié en 2016 par le New York Times (en anglais), est toujours en ligne.

Une usine de transformation de poulets à Jiangsu (Chine), le 16 juin 2016.  (GEORGE STEINMETZ / COSMOS)

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.