Festival Off d'Avignon 2024 : les "Destins croisés" de Napoléon et du Général Moreau dans un dialogue ciselé à l'interprétation remarquable

A part les historiens, qui connaît le Général Moreau, bras droit militaire de Napoléon qui l'envoya en prison pour des soupçons de trahison ? Cette rencontre imaginaire lève le voile sur des facettes peu connues de l'empereur.

Le metteur en scène Antoine Campo garde Arnaud Arbessier en Napoléon et Jean-Louis Cassarino en Général Moreau : une rencontre au sommet dans la prison du Temple à Paris, qui se joue au Théâtre des Corps Saints d'Avignon jusqu’au 21 juillet.

La Maison des Morts

Napoléon rend visite à son bras droit militaire, accusé de conspiration royaliste. Le général, adulé par les Français pour ses nombreuses victoires, fait de l’ombre à d’autres prétendants. Moreau se défend face à l’Empereur de cette conspiration à son égard, alors que Napoléon s’efforce de le faire revenir dans son giron qu’il n’a en fait jamais quitté.

La joute est franche et rude, mais l’Empereur ne démord pas face à Moreau qui refuse de reconnaître une faute qu’il n’a pas commise : il l’enverra en exil aux Amériques. Mais là pièce de Soizik Moreau prend un autre tour dans la seconde partie, lorsque Napoléon, une fois dans la Maison des Morts, demande à être jugé par Moreau lui-même. Ce dernier déploie alors toute sa vision de l’Empereur qui, a ses yeux, s’est détourné de ses valeurs républicaines.

Epopée verbale

Napoléon justifie son autocratie en prétendant que les Français réclament un pouvoir fort, alors que Moreau défend des valeurs humanistes, antagonistes à l’égotisme de l’Empereur. Ce dernier se fait alors plus confident et plus fragile, comme s’il vacillait face à l’ultime jugement de la Maison des Morts. Si le texte de Soizik Moreau, professeure de théâtre et ancienne élue à Paris, décédée en 2023, est des plus brillants, il est servi par des interprètes qui donnent véritablement chair à cette épopée verbale tissée de politique.

Au terme de Destins croisés, Napoléon semble gagner quelque humanité, comme s’il reconsidérait son exercice du pouvoir. Destins croisés n’est aucunement le lieu d’une réhabilitation d’un Napoléon autocrate, mais déploie sur scène une vision des deux facettes de l’Empereur. Celles d’un idéaliste révolutionnaire qui s’est transformé en despote, mais qui face à ses contradictions, semble vaciller et se remettre finalement en cause.

Destins croisés
De Soizik Moreau
Mise en scène : Antoine Campo
Avec : Jean-Louis Cassarino et Arnaud Arbessier
Du 3 au 21 juillet 2024, 13h30, relâche mardi 16 juillet
Théâtre des Corps Saints
76 place des Corps Saints, 84000 Avignon
Tél : 04 84 51 25 75