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Dix femmes en lutte contre l'esclavage : une histoire racontée au musée Schoelcher de Fessenheim

En Alsace, l’Espace muséographique Victor Schoelcher rend hommage à dix femmes, noires ou banches, qui ont combattu l’esclavage.

Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
A gauche Billet de 500 dollars à l’effigie de Nanny émis à l’occasion des 50 ans d’indépendance de la Jamaïque, 2012 / A droite : Anne Knight (1781-1862), photographie de Victor Franck, circa 1855 (à gauche :  Daniel Denis / à droite :  Religious Society of Friends in Britain)

Elles furent esclaves, affranchies, marronnes (femmes qui se sont enfuies pour vivre en liberté), mais aussi féministes ou femmes de lettres. Leurs noms ne sont pas forcément connus mais les dix femmes qui sont évoquées dans cette exposition proposée jusqu’au 23 août 2020 à Fessenheim sont sans conteste des femmes puissantes. Pour leur courage, elles méritent pleinement l’hommage qui leur est rendu aujourd’hui.

L'exposition Dix femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial retrace le parcours de Sanite Bélair (Haïti), Claire (Guyane française), Dandara (Brésil), Olympe de Gouges (France), Héva (La Réunion), Anne Knight (Angleterre), Cudjoe Queen Nanny (Jamaïque), La Mulâtresse Solitude (Guadeloupe), Sojourner Truth (Etats-Unis), Anne Zinga (Angola). Chacune à sa  façon, toutes ces femmes se sont opposées activement à l’esclavage colonial malgré les multiples discriminations et violences dont elles faisaient l’objet.

Expo Femmes puissantes
Expo Femmes puissantes Expo Femmes puissantes

Un tiers des douze à treize millions d’Africains déportés dans l'Histoire sont des femmes. Même minoritaires dans les populations d’esclaves, elles ont joué un rôle fondamental pour trouver des solutions de survie et s’engager dans la lutte contre l’esclavage.

Des femmes hors-normes

Grâce à cette exposition, on découvre ainsi des parcours de vie fascinants, comme celui de Cudjoe Queen Nanny. Après avoir fui la plantation où elle travaillait (fuite qui fit d’elle une "marronne"), elle réussit avec son époux à créer une communauté autonome en Jamaïque dans la région des Blue Mountains. Grâce à son intelligence (elle organise un commerce basé sur le troc pour faire vivre la communauté) et à son sens de la stratégie militaire (elle développe les tactiques de guérilla et camouflage), Nanny résiste aux attaques des Britanniques jusqu’à sa mort supposée dans un combat en 1733.

Portrait de  Cudjoe Queen Nanny - Exposition Dix femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial - Espace muséographique Victor Schoelcher à Fessenheim (O. Barthélémy / France Télévisions)

"Supposée", car il est bien difficile d’avoir des témoignages avérés de la vie de ces femmes. Les témoignages des vies d’esclaves sont fragmentaires voire inexistants. Pourquoi ? Anissa Bouihed, responsable de l'Espace muséographique Victor Schoelcher, nous l'explique.

A l’époque du commerce triangulaire, les esclaves étaient considérés comme une masse indistincte et sans personnalité. On les considérait comme des objets. Il y a donc peu de témoignages qui nous sont parvenus et encore moins ceux de femmes qui ont combattu l’esclavage.

Anissa Bouihed

Responsable du musée

Exposition Dix femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial - Espace muséographique Victor Schoelcher à Fessenheim (O. Barthélémy / France Télévisions)

Le rôle des femmes en Europe

Mais l'exposition rend aussi hommage à des femmes qui se sont mobilisées en Europe pour dénoncer l'esclavage. A l’image d’Olympe de Gouges (1748 – 1793), auteure au début des années 1780 de la première pièce du théâtre français dénonçant le système économique esclavagiste. L’écrivaine y critique ouvertement le Code Noir qui régit la vie des esclaves (promulgué par Louis XIV en mars 1685). Intitulée Zamore et Mirza, ou l’heureux naufrage ou L’Esclavage des nègres, cette œuvre, considérée comme très audacieuse pour l’époque, a failli envoyer son auteure à la Bastille. 

Ce sont parfois des féministes qui s’emparent de cette lutte contre l’esclavage, notamment en Angleterre et aux États-Unis où le mouvement anti-esclavagiste donnera naissance au XIXe siècle à un nouveau féminisme. L’une des figures de ce mouvement est l’Anglaise Anne Knight (1781-1862) qui milite pour une abolition immédiate de l’esclavage sans compensation. Après sa mort en 1862, les Jamaïcains esclaves affranchis lui rendent hommage en baptisant une ville de l’île Knightsville. En 1847, Knight publie ce qui est considéré comme le premier tract sur le suffrage des femmes et est aussi à l’origine de la première association pour le suffrage féminin.

A propos de Victor Schoelcher

L'exposition se tient à l’Espace muséographique Victor Schoelcher. Le nom de cet homme politique connu pour avoir fait adopter le décret sur l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848 en Martinique est revenu dans l'actualité le 22 mai dernier, lorsque plusieurs militants ont détruit deux statues le représentant, à Fort-de-France en Martinique. Des hommages trop présents selon certains militants et qui empêchent la reconnaissance des héros locaux de l’abolition, comme l’esclave Romain. "C'était un homme de son époque" comme l'explique Anissa Bouihed, "qui a eu des amitiés avec des grandes féministes qui ont défendu l'abolition de l'esclavage. Leur combat était commun même si la vision qu'avait Schoelcher de la femme était celle de la mère au foyer". 

Victor Schoelcher, un personnage politique essentiel dans le processus d'abolition de l'esclavage. (O. Barthélémy / France Télévisions)

Dix femmes puissantes, portraits de femmes en lutte contre l'esclavage colonial

Espace muséographique Victor Schoelcher

21, rue de la Libération à Fessenheim

Jusqu'au imanche 23 Août 2020

Tous les jours sauf le lundi de 14h à 18h

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