Dans les forêts de Sibérie
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Synopsis
Pour assouvir un besoin de liberté, Teddy décide de partir loin du bruit du monde, et s’installe seul dans une cabane, sur les rives gelées du lac Baïkal. Une nuit, perdu dans le blizzard, il est secouru par Aleksei, un Russe en cavale qui vit caché dans la forêt sibérienne depuis des années. Entre ces deux hommes que tout oppose, l’amitié va naître aussi soudaine qu’essentielle.
Extrait de l’Entretien croisé
Safy Nebbou, réalisateur et producteur de cinéma. Il est d’abord comédien et metteur en scène de théâtre et réalise quelques courts-métrages primés dans le monde entier.
Raphaël Personnaz, se forme au Conservatoire à Paris avant de débuter à la télévision à la fin des années 90. Il débute au cinéma en 2000, dans Le Roman de Lulu de Pierre-Olivier Scotto.
Sylvain Tesson, Aventurier et écrivain. Dans les forêts de Sibérie a été couronné par le prix Médicis essai 2011 et Berezina par le prix des Hussards 2015.
Ibrahim Maalouf, musicien (trompettiste et pianiste), compositeur, arrangeur, producteur et professeur d’improvisation et de trompette français.
Comment est née cette aventure cinématographique ?
Safy Nebbou : Quand j’ai découvert le récit de Sylvain Tesson, j’ai su, au bout de vingt pages, que je voulais en faire un film. Il faut un sacré courage pour aller s’enfermer des mois en Sibérie, dans une cabane au bord du lac Baïkal. C’est une vraie aventure! Et si le livre de Sylvain a eu autant de succès, c’est parce que, grâce à lui, les lecteurs pouvaient faire ce voyage par procuration. Comme il m’a semblé que le cinéma français actuel ne proposait rien de tel, j’ai eu envie de transposer la littérature en images. Je ne savais pas encore comment je m’y prendrais mais je voulais que les spectateurs une fois entrés dans la salle, se laissent embarquer pour ressentir les choses de manière organique. Quand je t’ai fait part de mon projet, est-ce que tu te souviens, Sylvain, de ce que tu m’as dit ?
Sylvain Tesson : Je t’ai demandé si tu comptais faire un plan séquence de 52 minutes avec un haïku japonais au milieu ?
Safy Nebbou : (rires) Non. Tu m’as dit que si je racontais l’histoire d’un mec (seul) dans une cabane, on risquerait fortement de s’ennuyer.
Sylvain Tesson : Adapter fidèlement ce récit risquait en effet de donner un film narratif narcissique qui n’aurait concerné que les expériences d’une personne. Mais je me doutais bien que tu étais autonome et je ne m’attendais pas à une transposition fidèle de mon livre. Or c’est là que le film pouvait apporter un supplément à l’histoire : un jeu de construction permettait d’articuler plusieurs destins.
La cabane, la nature comme immense terrain de jeu... Il y a quelque chose qui relève de l’enfance dans cette histoire. Etait-ce réfléchi ?
Sylvain Tesson : Oui bien sûr. Je regrette même de ne l’avoir pas formulé davantage dans mon livre. Il est évident que lorsque naît le désir de faire un pas de côté, de s’échapper, d’inventer une vie dans les bois, cela vient probablement d’une déception de ce que nous offre la société des adultes. Cet esprit sérieux, cette volonté de contrôle et cette fâcheuse tendance qu’ont les adultes (je dis les adultes comme si j’étais resté moi-même en enfance) à vouloir prévoir, à gouverner leur vie, à se montrer utile et à construire les perspectives de l’avenir… tout cela peut devenir écoeurant. Alors, évidemment, l’enfant qui rêve des bois, c’est le royaume de l’exil, le plus beau titre des nouvelles de Camus. On s’exile dans son royaume parce que c’est là qu’on invente les conditions de sa liberté. Vivre dans les bois, c’est créer une mise en scène avec des enjeux. C’est très présent dans le film : dès l’arrivée de Teddy sur le Baïkal, on sent très bien une mise à disposition d’un dispositif de jeu : la cabane, le lac, la nature, tout cela devient un véritable magasin de jouets ! Il ne faut pas avoir honte d’admettre qu’on n’a pas grandi.
Ibrahim Maalouf : Moi, c’est précisément ce qui m’a touché dans le film : toutes ces scènes où Raphaël est dans un état extatique m’ont permis de retrouver la sérénité que j’avais pu vivre, enfant, au Liban. Quand il court sur la glace, se ballade tout nu ou se baigne dans le Baïkal, c’est ce que ferait tout gamin qui se retrouve dans un endroit aussi dingue que celui-là.
Peut-on dire que c’est un film sur l’écologie ?
Safy Nebbou : Je ne voulais pas que ce soit frontal mais, de fait, il parle d’écologie car Teddy vit au rythme de la nature et les éléments deviennent le moteur de sa vie. D’ailleurs, bien plus qu’Into the wild, ma référence suprême à l’écriture était Dersou Ouzala, un grand film écologique de Kurosawa. Réaliser un film où l’on sent les éléments, la glace, le froid, c’est d’une certaine manière mettre en avant la planète. Mais, comme le reste du film, j’ai voulu traiter ce thème avec simplicité. Je bannis toujours la psychologie et la morale car elles m’ennuient au cinéma et j’ai eu envie que le spectateur prenne ici ou là ce qu’il avait envie de prendre.
Ibrahim Maalouf : De toute façon, c’est comme regarder une photo d’un très beau paysage ou de magnifiques parties de notre planète : la réflexion écologique s’impose d’emblée. Les images du film sont tellement belles qu’elles invitent spontanément à sauvegarder notre environnement.
Safy Nebbou : Quand on voit ce lac gelé qui permet à des villages entiers de vivre, on se pose nécessairement des questions sur le réchauffement climatique. Ce qui est paradoxal lorsqu’on met en valeur une région méconnue, c’est qu’on risque d’y amener le tourisme et donc la pollution. On se demande alors s’il faut la montrer ou ne rien dire à personne pour qu’elle reste sauvage. Là, j’aurais presque envie de dire aux gens : le Baïkal, c’est magnifique mais laissez-le tranquille.
Ibrahim Maalouf : Ne t’inquiète pas car si les gens ressentent le film comme moi, ils auront l’impression d’avoir déjà fait le voyage. Moi j’ai passé six mois à travailler sur ces images, mais en 1h40 le film parvient à nous mettre en immersion.
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