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Quatre arguments pour convaincre votre beau-père Jean-Louis d'arrêter la viande rouge

Trop, c'est trop. En regardant les dernières vidéos de maltraitance animale dans les abattoirs de l'association L214, vous avez décidé d'arrêter de manger de la viande. Une décision que certains membres de votre famille ont bien du mal à comprendre.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un homme prépare un barbecue, le 23 mars 2015. (KATHRIN ZIEGLER / TAXI / GETTY IMAGES)

C'est l'été : le traditionnel gigot-flageolets chez belle-maman a laissé la place au barbecue du dimanche dans le jardin. Saucisses, entrecôte, steak haché... Votre beau-père Jean-Louis est un homme généreux, qui ne lésine pas sur la quantité. Alors que la fumée s'échappe du barbecue, une fourchette dans une main pour retourner les grillades, un verre de vin rouge dans l'autre, il vous explique : "Tu vois, je n'imagine pas la vie sans bidoche."

Comment, alors, expliquer à Jean-Louis que vous venez de prendre la décision d'arrêter d'en manger ? Que vous y réfléchissiez, et que vous avez finalement pris votre décision mercredi 29 juin, en voyant de nouvelles images de maltraitance de bovins, de moutons et de cochons dans les abattoirs de Pézenas (Hérault) et de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes) ? Francetv info liste quelques arguments pour vous aider.

1Les steaks au tofu sont aussi riches en protéines

Comment Jean-Louis peut-il faire, alors, pour remplacer la viande dans son assiette ? Lui en est convaincu : pour couvrir les apports journaliers recommandés en protéines, il faut manger de la viande rouge. Il n'en démord pas. Pourtant, c'est faux. "Si on veut arrêter de manger de la viande, on peut la remplacer par une portion de légumineuses. Deux cents grammes par jour suffisent", explique le docteur Jean-Michel Borys, endocrinologue et nutritionniste, contacté par francetv info. Et Jean-Louis a le choix : soja, haricots blancs et rouges, pois secs, lentilles, fèves...

Mais il a du mal à imaginer que chaque jour, il mangera une assiette de lentilles. Sans saucisses. Pourtant, il suffit de regarder dans les magasins, y compris les grandes surfaces, pour s'apercevoir que les steaks végétaux envahissent les rayons. Ainsi, Jean-Louis peut troquer son steak haché contre un steak de soja. Ni vu ni connu. "Un steak de soja de 120 grammes, c'est l'équivalent d'un steak haché du même poids en termes de protéines", explique Jean-Michel Borys.

Cependant, selon le nutritionniste, il faut consommer une protéine animale une fois par jour. Car être végétalien, c'est tout à fait possible, mais "plus compliqué à gérer" pour avoir tous les apports journaliers recommandés. "Manger végétal, c'est bien mais pas que. Un produit laitier, c'est bien. Du fromage ou du lait. Les œufs aussi, car ils concentrent des protéines de bonne qualité", explique le nutritionniste.

2C'est dangereux pour la santé

Et ce n'est pas vous qui le dites : c'est l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le 26 octobre 2015, l'organisation onusienne a classé la consommation de viande rouge comme "probablement cancérogène pour l'homme" dans la revue médicale The Lancet Oncology. Une étude disponible en ligne (PDF, en anglais). "De fortes présomptions pèsent sur le rôle du fer héminique (présent dans le sang que contient la viande), ainsi que, dans le cas des charcuteries, celui des nitrates et nitrites utilisés pendant leur fabrication", explique Le Monde.

En réalité, c'est un peu plus compliqué : la viande rouge n'a que des "indications limitées" de son caractère cancérogène. La consommation quotidienne de 100 grammes de viande rouge pourrait accroître le risque de cancer colorectal de 17%, mais le lien de causalité n'est pas établi avec certitude. Pour Jean-Michel Borys, il est difficile d'établir une limite de consommation à respecter pour éviter un cancer, car de nombreux facteurs entrent en compte. Il conseille toutefois de ne pas dépasser une consommation de 150 grammes de viande par jour.

Néanmoins, en organisant des barbecues tous les week-ends, Jean-Louis augmente ce risque. "La cuisson à température élevée ou celle où la nourriture est en contact direct avec une flamme ou une surface chaude (barbecue, cuisson à la poêle) produit davantage de produits chimiques cancérogènes comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques et les amines aromatiques hétérocycliques", précise Le Monde. En clair, "plus on cuit la viande, plus on augmente le risque de développer un cancer", résume Jean-Michel Borys.

Partant de ce principe, manger un steak tartare présenterait moins de risques pour la santé. "Mais il y a, dans un autre registre, le risque que des bactéries s'attaquent à la viande crue", rétorque Jean-Michel Borys. "Et puis cela dépend avec quoi on mange la viande, si on l'accompagne de sauce par exemple", ajoute-t-il. A chaque barbecue, Jean-Louis aime tout naturellement accompagner sa viande de sauce... barbecue. Très peu pour sa femme Monique, qui se contente d'une salade. Mais pour elle comme pour son mari, d'autres facteurs de risque existent. "Par exemple, si notre père ou notre mère a eu un cancer du côlon, on a plus de risque d'en avoir un", relève Jean-Michel Borys. Quelle que soit notre consommation de viande.

3Cela met la planète en péril

Avec Jean-Louis, autant ne pas y aller par quatre chemins : consommer trop de viande, ce n'est pas bon pour l'environnement. L'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, le résume ainsi : "Cette expansion du secteur de l'élevage exerce une pression croissante sur les ressources naturelles mondiales : les pâturages sont menacés de dégradation ; la déforestation est pratiquée pour cultiver des aliments pour animaux ; les ressources en eau se raréfient ; la pollution de l'air, de l'eau et des sols augmente ; et les ressources génétiques d'animaux adaptés aux conditions locales diminuent."

Dans le détail, sachez que pour produire 1 kg de bœuf, il faut 15 500 litres d'eau, soit l'équivalent d'une petite piscine pour irriguer les céréales et le fourrage. En comparaison, il faut 4 000 litres pour produire 1 kg de poulet. Par ailleurs, 70% des terres agricoles mondiales sont destinées à nourrir les animaux, comme l'explique Le Monde dans cette vidéo.

Mais surtout, l'élevage de bétail représente 14,5% des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines sur la planète. Soit 7,1 milliards de tonnes équivalent-CO2 par an, selon les calculs de la FAO publiés dans un rapport de 2013 (PDF). C'est presque autant que les émissions émises par le secteur des transports, avions et voitures en tête.

C'est l'élevage de bovins qui représente l'essentiel de ces émissions, et de loin : environ 65% des émissions du secteur de l'élevage, contre 9% pour le porc. Il est responsable de la moitié des émissions de méthane et de protoxyde d'azote. En cause, l'usage d'engrais pour les cultures et la digestion des ruminants. Et oui, les pets de vaches polluent l'atmosphère, n'hésitons pas à le dire à Jean-Louis.

4Les animaux sont maltraités dans les abattoirs

Si, malgré tous ces arguments, votre beau-père se targue encore d'être carnivore et fier de l'être, il vous reste une carte à abattre. Vous pouvez lui montrer les vidéos de l'association de protection animale L214. Alès, Le Vigan, Brest, Mauléon-Licharre... Depuis plusieurs mois, L214 a révélé, vidéos à l'appui, des dizaines de cas de maltraitance envers des animaux dans des abattoirs français.

Peut-être que Jean-Louis vous répondra que de toute façon, les animaux doivent mourir avant d'atterrir dans son assiette. Oui, mais ces pratiques "honteuses" détériorent "la qualité de la viande". Une fois de plus, ce n'est pas vous qui le dites. C'est le président du syndicat de la boucherie-charcuterie de l'Aisne. "Dans notre profession, on nous apprend à respecter l'animal. Là, c'est tout le contraire. Imaginez le stress accumulé. (…) [La viande] se charge en toxines. La chair devient fiévreuse, elle colle… Les éleveurs ont beau être Label Rouge, bio, ou autres… C’est impossible de sortir un produit correct dans ces conditions-là", dénonce-t-il dans L'Union le 30 mars. "REP A SA" Jean-Louis.

Que faire alors, devant ce scandale récurrent ? "Légaliser l'abattage à la ferme est plus qu'une nécessité, c'est un devoir", propose un journaliste dans une tribune sur Le Huffington Post. En somme, une manière plus artisanale de produire de la viande. S'offre alors une solution à Jean-Louis, qui n'abandonnerait pas la viande, mais réapprendrait à la manger. Il en mangerait moins, mais mieux.

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