Comment ils sont devenus des vétérans du tatouage
Ils s'appellent Pascal, Brigitte, Bill ou encore Sacha. Ils ont au moins 40 ans, et certains ont commencé à se faire tatouer à l'époque où Pompidou était encore président. Francetv info est allé à leur rencontre.
Ils sont tombés dans l'encre quand ils étaient petits. Pascal, Brigitte, Bill et Sacha ont au moins 40 ans, et pour la plupart le corps presque entièrement recouvert de tatouages. Leurs premières "pièces", comme ils les appellent, remontent parfois à l'époque où Georges Pompidou était président.
À l'occasion du Mondial du tatouage, organisé du vendredi 6 au dimanche 8 mars à la Grande halle de la Villette à Paris, francetv info est allé demander à ces vétérans du tattoo comment tout avait commencé. Galerie de portraits.
Pascal, 48 ans : "Ma gargouille, ce n'est pas Calogero"
C'est l'une des vedettes du salon, de celles que l'on arrête régulièrement pour une photo. Pascal Tourain, 48 ans, déambule dans les allées de la halle vêtu d'un simple short et d'un nœud papillon de Monsieur Loyal. Les tatouages qui recouvrent les deux mètres du corps de ce comédien ont tous été réalisés par Tin-Tin, organisateur de l'évènement et grande figure du milieu.
"Le premier date d'il y a vingt ans, c'est une gargouille sur mon épaule gauche", se souvient-il. "Auparavant, j'hésitais à franchir le pas car j'imaginais que cela pouvait freiner ma carrière. C'est quand j'ai réalisé que celle-ci n'allait pas dans la direction espérée que j'ai décidé de ne plus y penser et de me faire plaisir". La gargouille a rapidement trouvé de la compagnie, et le tatouage est devenu un élément central de la vie de Pascal.
Tous les mercredis, il interprète son spectacle, L'homme tatoué, sur les planches d'un cabaret parisien. Et sa première pièce lui plaît toujours autant : "La gargouille, c'est intemporel, ce n'est pas comme si je m'étais fait faire le portrait de Calogero sur l'omoplate ! Mon seul regret, en fait, est de ne pas avoir commencé plus tôt".
Bill, 64 ans : "À l'époque, ça ne m'a coûté que 30 dollars"
Lui aussi est l'une des attractions du Mondial du tatouage. Bill Salmon, 64 ans, travaille habituellement avec son épouse Junii dans son salon de San Francisco (Californie). Il a traversé l'Atlantique pour officier comme juré lors du concours de tatouage organisé durant l'évènement. Tatoueur depuis le début des années 1980, sa première pièce remonte à 1972. "Ou 1973, je ne me souviens plus très bien", sourit-il.
"À l'époque, j'étais un peu hippie. Vu que dans ma tête, c'était 'Flower power', je me suis rendu chez un tatoueur par curiosité et j'ai demandé une rose sur ma hanche. Ça ne m'avait coûté que 30 dollars !", continue Bill, qui refuse toutefois de retirer son costume trois-pièces turquoise pour montrer le dessin. "J'ai tout de suite voulu en avoir d'autres, et maintenant, c'est comme une combinaison : j'en ai sur tout le corps".
Brigitte, 45 ans : "Le front, je n'aurais pas osé avant"
"Cette fois, faut pas se planter !". Sans se départir de son grand sourire, Brigitte met une confraternelle pression à son tatoueur. Cela peut se comprendre : à 45 ans, cette Rennaise s'apprête à se faire tatouer une rangée de fleurs sur toute la hauteur du front. "Comme je suis moi-même tatoueuse, je sais que cela ne m'handicapera pas dans ma vie professionnelle. Mais je n'aurais sans doute pas osé il y a quelques années", explique-t-elle, alors qu'une amie la prend en photo avec le dessin imaginé plaqué au-dessus des sourcils. Elle lève le pouce en l'air.
Sa première pièce date du début des années 1990. "C'est une sirène dans le dos, qui doit faire 7 ou 8 centimètres. Je l'ai faite car, venant de la Réunion, je voulais un symbole du monde aquatique, qui me fascine". La suivante attendra dix ans, le temps de former sa fille au métier. "C'est elle qui a réalisé tous mes autres tatouages, à l'exception de quelques-uns qui viennent d'artistes pour qui j'ai eu un coup de cœur". De quoi flatter celui qui s'apprête à planter ses aiguilles sur le front de la quadragénaire.
Sacha, 43 ans : "J'ai commencé le tatouage après un an et demi dans un monastère"
Avec son torse nu, sa dégaine de viking et ses nombreux bijoux d'inspiration celtique, Sacha ne passe pas inaperçu dans les allées du salon. Lorsque des visiteurs lui demandent une photo, cet Ukrainien de 43 ans, installé à Paris depuis 17 ans, se prête bien volontiers au jeu. Sa passion pour le tatouage est, comparée à celle des autres vétérans, relativement récente. "J'ai commencé lorsque j'avais 30 ans. Après mon arrivée en France, j'ai passé un an et demi dans un monastère catholique de la région de Haute-Combe, en Savoie. À ma sortie, j'ai voulu me faire tatouer pour prouver que ce genre de démarche n'aboutissait pas nécessairement à une confirmation de foi".
Pour matérialiser dans sa chair le tournant de sa vie, il demande à un ami de lui tracer sur l'épaule gauche les contours d'une forme qui évoque un ange autant qu'un aigle. Il remplit l'intérieur lui-même. "Cela incarne le côté spirituel et libre à la fois, qui montre qu'on peut chercher une certaine sagesse sans s'attacher à n'importe quel dogme", ajoute-t-il d'une voix douce.
Trois ans après, il opte pour une deuxième pièce sur son mollet. Depuis, celui qui est devenu tatoueur en 2012 en rajoute une par an. "C'est ma façon de continuer mon histoire".
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