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Gouffre financier, cible tentante et plateau de cantine... Dans les coulisses de l'Etoile noire, enjeu du dernier "Star Wars"

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
L'Etoile noire dans "Rogue One : A Star Wars Story", sorti le mercredi 14 décembre 2016. (Lucasfilm/ILM..©2016 Lucasfilm Ltd. All Rights Reserved.)

"Rogue One" raconte comment les rebelles ont réussi à dérober les plans de la station de combat surpuissante de l'Empire. Mais savez-vous ce qu'il se passe vraiment au cœur de l'arme la plus puissante de la galaxie ?

"Ce n'est pas une Lune." Quand il découvre l'énorme station spatiale, Obi-Wan Kenobi ne peut masquer sa surprise. La demi-douzaine de rebelles qui croyaient foncer sur un satellite de la planète Yavin découvrent une formidable arme de guerre, l'Etoile noire, vaisseau amiral de la flotte de l'Empire galactique. C'est cette "arme ultime", pour reprendre le mot de son créateur, qui est au centre de l'intrigue du nouveau Star Wars, Rogue One, sorti en salles mercredi 14 décembre. Visite guidée. 

"Régner par la peur" ou la "doctrine Tarkin"

L'Etoile noire (curieuse traduction du "Death Star" de la version originale), c'est d'abord une formidable arme de guerre. Environ 140 km de diamètre (les études sur la question divergent), des milliers de canons, autant de vaisseaux à bord et un énorme laser capable de faire exploser une planète. Cette arme, construite par les ingénieurs de la division Advanced Weapons Research de l'Empire, dirigée par Orson Krennic est ensuite confiée à l'amiral Tarkin. C'est la naissance de la "doctrine Tarkin" : "Régner par la peur de la force, plutôt que par la force elle-même." 

Pas étonnant de retrouver l'amiral Tarkin tout en haut de l'organigramme de cette base spatiale (PDF, p. 25). Au-dessus d'un certain Dark Vador, simple émissaire de l'Empire. Si une salle du trône a été prévue au cas où l'Empereur daigne visiter son arme de destruction massive, il n'y a jamais mis les pieds, pas même pour l'inauguration. C'est donc Tarkin, seul maître à bord, qui fait exploser la planète Alderaan sous les yeux de la princesse Leia, cheffe des rebelles, dans le quatrième volet de la saga, Un Nouvel espoir. Les militaires constituent le gros des troupes de la station, à en croire le Death Star technical companion, qui chiffre à près de 700 000 le nombre de soldats qui y sont affectés, contre environ 250 000 membres d'équipage. 

Un coût de 852 billiards de dollars

Vous avez dit énorme ? Selon la littérature officielle, il faut environ 160 soldats rien que pour faire fonctionner le canon laser. On loge tout ce petit monde dans des ponts disposés en cercles concentriques sous la surface de la base, explique le site How stuff works. Des centaines d'unités comprenant un mess des officiers, une cantine avec droïde barman, quelques cellules de prison, des salles de musculation et un dédale de couloirs pour rejoindre le cœur de la base, où se trouve le réacteur fournissant l'énergie du moteur et du laser - 36% du volume de l'Etoile noire, tout de même ! Dans ces conditions, il est loin d'être évident que tous les passagers de l'Etoile noire s'appellent par leur prénom. Dans un sketch, l'humoriste anglais Eddie Izzard imaginait une incursion de Dark Vador au restaurant d'entreprise de l'Etoile noire. Un employé bougon : "Prenez un plateau comme tout le monde ! Vous vous prenez pour qui ?" "Votre chef ! Je pourrais vous tuer rien qu'en pensant à ce plateau." "Mon chef, c'est Stevens, le responsable du service restauration !"

L’entreprise spécialisée dans l’énergie Ovo Energy a calculé qu'éclairer l'Etoile noire revient à allumer 200 milliards d'ampoules chaque jour. Les fans qui tenaient le blog Centives ont établi qu'il n'y a pas assez d'acier sur Terre pour bâtir l'Etoile noire, et quand bien même on en trouverait suffisamment, la construction coûterait 852 billiards de dollars (en chiffres, 852 000 000 000 000 000), soit 130 fois le PIB terrestre. Une fois construite - d'après la littérature officielle, Dark Vador a utilisé ses pouvoirs sur les ouvriers pour finir dans les délais - il faut alors l'entretenir. D'après les plans diffusés par Lucasfilm, l'Etoile noire compte environ 359 millions de km2 de sols et murs à nettoyer (35 000 étages, avec 4 m sous plafond). Passer le balai une fois par an à chaque endroit nécessiterait l'embauche de 48 000 millions de balayeurs. Et en les collant tous au salaire minimum, ça coûterait tout même astronomiquement cher : 723 milliards de dollars. Vous l'aurez compris, l'Etoile noire est une aberration économique - qui absorberait environ 15% du PIB de l'Empire, selon d'autres études plus fantaisistes.

"On fabriquait un décor sans fin"

La vie quotidienne de l'Etoile noire est totalement occultée dans les films. Tout ce qu'on voit, ce sont des décors sombres, des meubles anguleux, des uniformes gris/verts assortis au ton minéral du lieu. "George souhaitait retrouver la même ambiance que Les Mondes futurs [Things to come, un film de science fiction des années 1930]. Un intérieur énorme, silencieux et sophistiqué", raconte le chef décorateur John Barry dans le livre The Making of Star Wars. C'est surtout l'extérieur de la base qu'on voit en long, en large et en travers. Joe Johnston, designer des vaisseaux sur le film, se souvient : "Travailler sur le décor extérieur de l'Etoile noire, c'était comme être envoyé sur le front russe pendant la seconde guerre mondiale. On fabriquait un décor sans fin."

Difficile d'imaginer un stormtrooper réparer une fuite d'eau ou organiser une raclette ! Pour en savoir un peu plus sur les coulisses de la base, direction les (nombreux) livres dérivés de l'univers. Dans le bien nommé Death Star, on apprend qu'il existe une économie souterraine entre les soldats, qui s'échangent sous le manteau des films et des substances illicites. Le temps passe lentement pour ceux qui sont affectés six mois sur la base. Sans beaucoup d'action à se mettre sous la dent et interdiction absolue de contacter la famille, silence radio oblige. Car l'Etoile noire agit surtout comme un agent dissuasif sur les systèmes affiliés à l'Empire. 

"Ne soyez pas trop fiers de votre monstre"

George Lucas s'est également montré particulièrement avare d'informations sur les petites mains de l'Etoile noire. Prenez les ouvriers qui ont construit l'édifice : une première version faisait mention d'esclaves wookies qui se sont tués à la tâche pour bâtir l'engin de mort.

Puis est arrivé en 1994 le film à petit budget Clerks, dont une des scènes cultes bouleverse la version officielle : les rebelles ne seraient que des terroristes sans cœur qui ont atomisé plusieurs millions d'innocents à la fin du Retour du Jedi, quand la Death Star 2 (cette fois baptisée Etoile de la mort en français), encore en construction, explose en mille morceaux, réduisant l'Empereur en confettis intergalactiques. George Lucas a répondu dix ans plus tard dans la seconde trilogie, en affirmant que des Géonosiens avaient bâti les deux stations. "Ce n'est qu'un paquet de gros termites, après tout", lâche-t-il dans le commentaire audio du DVD. 

Invulnérable, l'Etoile noire ? Dark Vador en doutait dès sa conception : "Ne soyez pas trop fiers du monstre technologique que vous avez créé. La capacité de détruire une planète n'est rien à côté de la Force." L'amiral Tarkin péchera pourtant par excès de confiance lors de l'attaque décisive des rebelles. Pour repousser leur assaut, mené par Luke Skywalker, le commandant refusera d'engager toute ses forces. Le faible nombre de vaisseaux ennemis (une trentaine) ? Le souvenir d'une précédente attaque, repoussée sans difficulté ? 

Ce n'était pas la première fois que les rebelles s'attaquaient au symbole de la toute-puissance de l'Empire. "L'Etoile noire était une arme puissante, mais aussi une cible tentante", résume The Federalist. "Une idée stupide", ose même le magazine. Son annihilation - en quelques minutes - grâce à un tir au but de Luke Skywalker dans une bouche d'aération "grosse comme un terrier de wombat" porte un coup terrible à l'Empire, qui ne s'en remettra jamais vraiment. La perte de Tarkin, un vrai stratège militaire, là où Dark Vador et l'Empereur pèchent sur le terrain (pour preuve la calamiteuse bataille de Hoth au début de L'Empire contre-attaque) aussi.

Dark Vador, parti pourchasser les X-Wings rebelles dans un chasseur TIE impérial, est l'un des rares survivants de la catastrophe. Il existe d'ailleurs une théorie un rien complotiste qui affirme qu'il a sciemment laissé réussir les rebelles pour se débarrasser de la tutelle de Tarkin. George Lucas n'a pas encore répondu. L'Etoile noire n'a peut-être pas encore livré tous ses secrets...

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