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"Voleur d'histoire" : de la création littéraire au travail en s'amusant

Si l'on dit Frédéric Tadeï, cela ne fait pas forcément écho. Mais si l'on précise qu'il interprète le jeune postier de "Diva" (1981, Jean-Jacques Beineix), cela parle tout de suite. Il n'a pas pour autant fait une grande carrière d'acteur (sept films de 1978 à 2015), mais, passé réalisateur, il a tourné trois films. "Voleur d'histoire" est son nouveau long métrage, autour du processus d'écriture.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Frédéric Andrei et Hervé Hiolle dans "Voleur d'histoire"
 (Hévadis Films)

Mystères

Etrange tandem que celui formé par l'écrivain Pierre (Hervé Hiolle) et Vincent (Frédéric Tadeï) qu'il emploie pour l'observer au travail et parler de tout et de rien. Une vacuité apparente qui va en fait inspirer l'auteur pour son nouveau roman. Pierre est exigeant, ponctuel, maniaque, face à un Vincent plus dilettante, mais qui se plie à son desiderata. Enfermés dans ce huis clos, tous deux se satisfont de leur sort, même si une distante froideur domine leur échanges, à l'image de l'appartement aseptisé de l'écrivain. Les tentatives de briser la glace n'y feront rien, ou si peu, chacun restant dans son rôle.

Le premier a besoin de son assistant pour écrire, le second de son employeur pour survivre. Leur nécessité réciproque engendre un mystère. Pourquoi Pierre a-t-il besoin qu'on l'observe quand il écrit ? Pourquoi Vincent se plie-t-il à ses dictats ? Le second finit par répondre aux questions du premier sur sa vie privée, sans anicroche. L'on perçoit vite que l'auteur s'abreuve à ces confidences pour alimenter sa prose. Vincent n'est pas dupe, mais laisse faire, jusqu'à ce que cette exploration de l'intime dépasse les bornes. Mais lui raconte-t-il la vérité. On ne le saura jamais. Pierre en doute-t-il ? N'est-ce pas Vincent l'inventeur de fiction ? Encore des mystères.

Cinématographie

Tout se passe pratiquement à l'intérieur de l'appartement de Pierre, à de rare exceptions – des sorties dans un parc, dans un café. "Voleur d'histoire" n'en est pas pour autant claustrophobe. Frédéric Tadeï met à l'œuvre une véritable cinématographie, dans un film élégant, savamment cadré, aux jeux de miroirs, aux cadres dans le cadre, jouant de la profondeur de champ, de la découpe spatiale, inscrivant le texte à l'écran au rythme des doigts tapant sur le clavier… Si son film n'est pas du théâtre filmé, il donnerait une formidable pièce de théâtre.

Photo Frédéric Andrei et Hervé Hiolle dans "Voleur d'histoire" de Frédéric Andreï
 (Hévadis Films)

Très original par son sujet, son jeu d'acteurs, froid, désabusé un rien snob et antipathique pour Hérvé Hiolle ; décontracté, bienveillant, dévoué et assidu pour Frédéric Tadeï, "Voleur d'histoire" joue une musique entêtante qui, malgré la minceur de son intrigue emporte de bout en bout, par sa beauté formelle et l'évolution des personnages. L'attitude excessive de Pierre en devient comique, tout comme celle de Vincent tout en recul. Qui manipule qui ? Y-a-t-il manipulation, ou deux personnalités qui se rencontrent sans empathie aucune ? Celui qui mène la barque n'est pas forcément celui qu'on attendait. Le cinéaste évite toute lourdeur, en laissant en suspens bien des questions. Car le mystère est au cœur de la création et moteur de la fiction. 

"Voleur d'histoire" : l'affiche
 (Hévadis Films)

LA FICHE

Comédie dramatique de Frédéric Andreï (France) - Durée : 1h23 - Sortie : 29 juin 2016
Synopsis : Pierre, un romancier célèbre en panne d'inspiration, a besoin d'une présence pour écrire. Il cherche désespérément un "assistant". Vincent est engagé avec pour seule mission : rester concentré sur ce que Pierre écrit. Mais quel est réellement le sujet du roman de Pierre? Et Vincent, n'est-il qu'un assistant ou un sujet ? Le sujet du roman ?

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