"Vice" : Christian Bale est le vice-président Dick Cheney dans un film brûlot
Red neck
Le cinéma américain a toujours été très réactif à l’actualité chaude. Même si "Vice" arrive sur les écrans dix ans après la fin de la vice-présidence Cheney (2009), on aimerait que le cinéma français fasse de même… D’autant que le ton n’est pas à la complaisance, mais plutôt au pamphlet cinglant, une mise en boîte du personnage qui fait froid dans le dos. Ainsi le sort de la planète semble avoir été pendant près de dix ans entre les mains d’un "red neck" (plouc américain), opportuniste, chanceux, mais néanmoins intelligent. Son influence s’en ressent malheureusement encore aujourd’hui.Dans le fin-fond du Wyoming, Dick Cheney était dans sa jeunesse un looser patenté : alcoolique et bagarreur, son meilleur job aura été de tendre des fils électriques le long des routes américaines. Repris en mains par sa famille, et après un brillant parcours universitaire, il fait un mariage heureux avec Lynne (Amy Adams) et s’engage dans le monde des affaires qui lui ouvre celui de la politique. Il intègre l’administration Nixon, devient chef de cabinet du président Gerald Ford, est élu deux fois représentant républicain du Wyoming, devient secrétaire d’Etat à la Défense de George H.W. Bush (père), puis vice-président de George W. Bush (Jr.). Une ascension irrépressible qui lui permet d’appliquer ses idées politiques néo-conservatrices, ultra libérales, anti-environnementales et interventionnistes, comme influenceur, sinon décideur, des deux guerres d’Irak.
Bête à manger du foin
Golden Globe 2019 du meilleur acteur dans une comédie, Christian Bale compose un Dick Cheney époustouflant et part dans le peloton de tête pour les Oscars (24 février). "Vice" y est en lice dans huit catégories au total, dont celles de meilleur film et meilleur réalisateur. Derrière la caméra, Adam McKay en a écrit le scénario original, indiquant en ouverture de son film que peu de choses ont filtré sur Cheney et qu’"on a sacrément bossé" pour arriver à ce résultat. Le jeu en valait la chandelle tant "Vice", au prime abord film politique partisan, aboutit à un brûlot anti-Cheney qui démonte avec humour l’homme manipulateur à l’idéologie néfaste et opportuniste.Si Christian Bale est remarquable, Steve Carrell ne l'est pa moins en Donald Rumsfeld (secrétaire à la Défense de Bush père), tout comme Sam Rockwell en Bush Jr. Celui-ci, caricaturé, bête à manger du foin, est trop heureux de confier à Cheney les dossiers de fonds qu’il ne maîtrise pas (Défense, Sécurité, International…) et qui constituent la pierre d’angle de sa fonction présidentielle. Ce qui ne l’empêchera pas d’être élu deux fois. Aussi, Dick Cheney n’était-il pas plus président que Bush ? Homme de l’ombre, Cheney ne cherchait pas la lumière pour briller. Républicain convaincu jusqu’à la moelle, virtuellement à la tête du pays le plus puissant de la planète, il bouleversa l’ordre mondial avec notamment les deux guerres d’Irak. "Vice" est de ce point de vue la démonstration implacable d’un système inepte et fallacieux, qui prêterait plus à en pleurer qu’à en rire. Heureusement, Adam McKay opte pour la farce, dans un film jubilatoire, instructif et irrésistible.
LA FICHE
Pays : Etats-Unis
Avec : Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell, Tyler Perry, Eddie Marsan, Jesse Piemons, LisaGay Hamilton
Durée : 1h42
Sortie : 13 février 2019
Synopsis : Fin connaisseur des arcanes de la politique américaine, Dick Cheney a réussi, sans faire de bruit, à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l'homme le plus puissant du pays, il a largement contribué à imposer un nouvel ordre mondial dont on sent encore les conséquences aujourd'hui…
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