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"Un vrai faussaire" : le mauvais garçon avait de l'or dans les mains

Durant des décennies, Guy Ribes a inondé le marché de l'art avec ses faux. Picasso, Matisse ou Chagall, ses toiles trompaient les plus grands experts. Le faussaire prolifique a bien profité de son talent, avant de "tomber" en 2005. Jean-Luc Leon lui consacre un documentaire passionnant.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"Un vrai faussaire" de Jean-Luc Leon
 (Jean-Luc Leon)

Un faux air de Jean Richard, une gouaille digne de Michel Audiard. Un seul corps pour deux personnages : le voyou et le peintre de talent. Deux entités qui n'ont cessé de faire affaire ensemble, faisant de Guy Ribes le plus incroyable des faussaires.

  (Jean-Luc Leon)

Lorsque ses mains entrent en action, la magie opère, instantanément. Ribes est Picasso. Il est Chagall. Degas. Léger. Et bien d'autres. Un talent tout terrain dopé par une capacité quasi-instinctive à comprendre l'artiste mieux que personne, à se mettre dans sa peau pour signer des faux plus vrais que nature. Il ne copie pas, il s'inspire. Crée des toiles si "crédibles" qu'elles trompent les experts et les musées.
  (Jean-Luc Leon)

Ribes le malin surdoué en a bien profité. Combien a-t-il écoulé d'œuvres ? Des centaines, des milliers peut-être. "Un Chagall, c'était trois quarts d'heure… Quinze briques. Alors, je partais, on faisait la java." Il a gagné des fortunes, il a tout dépensé. Sans remords. Lorsqu'une victime se manifestait, le ton montait : "Mon métier, c'est de te voler. Je t'ai volé. Maintenant, tu te casses !"
  (Jean-Luc Leon)

Pas un grand romantique, le Ribes. Quand il parle des femmes, par exemple, lui qui a été élevé dans le bordel que tenait son père. "Quand tu as du pognon, celles qui t'entourent, c'est des putes." Mais c'est le même qui est submergé d'émotion devant l'intensité du bleu d'une plume de paon.


En 2005, Guy Ribes est tombé, après la saisie d'une grosse centaine de "faux". Sa condamnation à trois ans de prison dont un an ferme ne l'a pas amené à raser les murs. Avec une faconde désarmante, il dit tout ou presque, en tous cas "sa" vérité de faussaire, plus ou moins embellie. Et il ne regrette rien de cette vie de flambeur dont il est loin d'être le seul à avoir profité. Le documentaire de Jean-Luc Leon jongle habilement entre de nombreuses interviews, des archives et des séquences époustouflantes de "création" de toiles. Sa mise en image classique et inévitablement statique est, de toute façon, éclipsée par la puissance du témoignage de cette invraisemblable grande gueule aux doigts de fée.

Reportage : M. Berrurier / J. Chanteraud / X. Roman / A. Rezkallah / P. Gibault / D. Reutenauer

La fiche

Documentaire français de Jean-Luc Leon – Durée : 1h30 – Sortie : 2 mars 2016
Synopsis : Peintre de talent et voyou, Guy Ribes, 65 ans, est le plus prolifique des faussaires français recensés à ce jour ayant inondé le marché de l’art pendant 30 ans. En 2005, la police a saisi plus d’une centaine de ses « faux » et en 2010 le Tribunal de Créteil l’a condamné à trois ans de prison, dont un an ferme. Guy Ribes n’a jamais rien copié. Ses Picasso, ses Matisse, ses Chagall, et autres Léger ont l’apparence trompeuse du « vrai » et égalent leurs inspirateurs. Mais combien de faux de sa main, authentifiés par des experts, vivent encore aux murs des collectionneurs, des galeries ou des musées ? Et dans les pages de catalogues raisonnés ? Guy Ribes nous livre les secrets de fabrication de ses «balourds » contant, avec une gouaille de marlou, une vie de flambe, de plaisir et d’arnaques. La dernière, celle qui l’a fait tomber, sort tout droit d’une série noire. On y croise une veuve bidon, de faux héritiers, un « pigeon » suisse collectionneur et des marchands sans scrupules. Le policier qui l’a arrêté, le procureur, l’expert judiciaire et un collectionneur floué révèlent les autres facettes de ce personnage incroyable.

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