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"Tre Piani" : le cinéaste italien Nanni Moretti interpelle la maison Europe

Reparti bredouille du dernier Festival de Cannes, le réalisateur italien revient dans les salles avec un film attendu, "Tre Piani", six ans après "Ma mère".

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Nanni Moretti, Denise Tantucci et Margherita Buy dans "Tre Piani" de Nanni Moretti (2021).  (ALBERTO NOVELLI)

Fin analyste et chroniqueur de la société italienne, Nanni Moretti, Palme d'or en 2001 avec La Chambre du fils, était absent du palmarès cette année. Fidèle à son angle intimiste, il évoque l'éclatement d'une communauté de voisinage qui reflèterait la société italienne et, pourquoi pas, l'Europe. Si le message passe bien, Moretti revient à une mise en scène classique, auparavant plus inventive.

De Tel Aviv à Rome

Une succession de drames domestiques gangrène les relations de voisinage de trois familles d’un immeuble romain. Chacun s’entête dans ses convictions à l’intérieur des couples, et la vindicte s'étend à tout l'environnement, allant jusqu’à la rupture. Au fil d’une dizaine d’années, l’amour va-t-il revenir dans les foyers, et le désir de se retrouver voisins va-t-il prendre le dessus ?

Après les grandes figures de Silvio Berlusconi dans Le Caïman et du pape dans Habemus Papam, Nanni Moretti revient, dans le prolongement de Ma mère, poignant portrait familial à la veille d'un deuil, à des personnages plus proches de la société italienne dans Tre Piani. Peut-être est-ce là qu’il touche au plus juste dans ses films, observateur d’une Italie qui le passionne et dont il brosse les travers dans ses films. Il a trouvé matière en transposant de Tel Aviv à Rome le roman d’Eshkol Nevo (Trois Paliers, Gallimard), auquel il donne des résonnances européennes sinon universelles.

De l’immeuble au monde

Un père renie son fils qui a tué une passante en voiture, un autre est soupçonné d’avoir abusé de la fille mineure de son voisin, et une mère esseulée recueille le frère honni de son mari. Ces conflits intimes vont s'échapper de la cellule familiale, et s’étendre à l’extérieur, en rumeur, en enquêtes policières, et en procès. Ils deviennent des faits divers, de société, ils sont mis sur la place publique et dépassent l’individu.

Denise Tantucci et Margherita Buy dans "Tre Piani" de Nanni Moretti (2021).  (ALBERTO NOVELLI - ANDREA PIRRELL)

Ce passage du particulier au public trouve un écho dans une scène clé, où Moretti filme une manifestation devant les locaux d’une association d'aide aux réfugiés en Italie. Les trois drames du film reposent sur une inacceptation de l’autre, du voisin, du mari, du fils. Ce rejet est à l’image d’une frange de l’Italie, de la Pologne, de la Hongrie, qui se sentent menacées par l’étranger. L'Angleterre n'est pas épargnée, et le Brexit en est l'illustration. C’est le même processus qui est en marche dans l’immeuble romain de Moretti. Métaphore en sous-texte d’une Europe qui ne parvient pas à s’entendre, Tre Piani se termine sur la note d’espoir d’une réconciliation possible, du moins à créer.

L'affiche de "Tre Piani" de Nino Moretti (2021). (LE PACTE)

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Nanni Moretti
Acteurs : Nanni Moretti, Margherita Buy, Riccardo Scamarcio Sagna  
Pays : Italie / France
Durée : 1h59
Sortie : 10 novembre 2021
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…

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